Caractéristique
par Jim
Le propre de l'homme jamais ne fut le rire
Et le meilleur de lui porte le nom de pire.
Cet animal peureux par prévention saccage
Le monde dont il vient, la nature sauvage.
Il refuse la mort et détruit l'univers
Et fier de son carnage, il le chante en ses vers.
Il est le seul à n'accepter
de n'être que cela qu'il est.(1)
Il faut rire de tout, surtout rire de soi
Et, payant son bouffon, l'avait compris le roi.
J'avance sans rétro, afin de ne pas voir
Ce mioche que je fus mouchant dans son bavoir,
Cette origine que je fuis, ma terre glaise,
Rêvant d'un devenir où je serais balaise,
Ce simiesque faiblard qui bouffait des charognes,
Cet empoté têtu que tout obstacle cogne,
Celui qui, en tout lieu, ne trouve que mouroir,
Celui qu'un dieu distrait oublia de pourvoir
Des quelques éléments qui permettent de vivre.
J'ai cessé de tourner dans ce chemin à suivre
Comme tout animal intégré au tissu ;
Je parcours le jardin ignorant toute issue.
Sans savoir, j'inventais la première écriture ;
Mon pied laisse une plaie, trace ou bien déchirure
Qui jamais n'a le temps de fermer cicatrice,
Et Gaïa la chantait, première cantatrice !
Ma mémoire pourvue de magiques chaussures,
Je reviens sur mes pas pour rouvrir les blessures,
Car il ne convient pas que quelque chose dure
Quand le ver de l'ennui me ronge la figure.
Mon temps ne passe plus, je suis pris dans son givre.
Mon rire est triste ainsi celui d'un paumé ivre
Mais je n'avoue jamais n'être que l'avorton,
- Ainsi qu'un chroniqueur en ses vers mirliton,
Dans ses rimes le chante en écrivant ma geste, -
De celui qui me fit avec ses derniers restes
Et, bien que je le nie, il n'est aucun miroir
Qu'éclaire mon soleil du matin jusqu'au soir,
Qui sache me mentir, quand je plonge mon œil
Dans ce reflet futur tout empli de mon deuil,
Dans son eau qui n'est plus ni limpide ni pure :
La gloire est un mentir qui dans son reflet dure.
Et je fuis mon prochain, comme tout animal,
Disant que, hors de moi, n'existe que le mal,
Que de nier cela, il vaut bien mieux se taire,
Car tout ce que je vois me ramène à la terre
Qui ne sait qu'enfouir disant nous consoler,
Qui tant me colle aux pieds que j'aimerais voler
Pour ne plus ressentir ce qui fait ma nature !
Je grimpe comme un fou en haut de la mâture !
Je suis un obsédé de la plus haute tour !
Je ne crains rien autant que, dans un carrefour,
- Car, je n'en doute pas, elle est à mon affût -,
La bête étrange heurter, qui est ce que je fus,
Et que je suis encor quand je vois mon semblable,
Ce nain gonflé, à moi, en tout point comparable,
Lorsque je vois mon frère et son front de taureau.
Sur lequel, monstre idiot, parfois je crie haro!
Quel est donc ce péché qu'à personne n'avoue ?
Je ne suis plus un singe et je ne suis plus vous!
Dans ce désert, je ne suis plus ce chien qui jappe !
A la condition animale, j'échappe !
Jusqu'ici comme vous, n'étais qu'un homoncule.
N'est plus faite ma chair des mêmes molécules
Que la vôtre, lecteur, que la tienne, primate !
De vos sentiers, toutous ! Vite me carapate !
Après avoir quitté le jardin des délices,
Lequel n'avivait plus mon plus simple caprice,
Dépassant stade anal sans atteindre l'oral,
L'avoir enseveli sous mon art libéral,
Je rêve encor de fuir dans le ciel sans limite,
De danser dans un vol qu'aucun oiseau n'imite,
Où je transborderais ma sidération
En narguant des Césars les constellations,
Que mon présent soit sauf de tout circonstanciel,
Que ma chair soit d'éther et son jouir charnel,
Car en mémoire n'ai que le plaisir bestial,
Ces moments brefs qui imprimèrent le jovial
Pendant lesquels nul n'entend plus sonner de glas,
Et l'ange que je suis veut conserver cela
Qui fait d'un masque l'être et non plus le paraître ;
Garder peu de cet être au milieu du non-être.
Cet arbre je deviens dont on ôte l'écorce ;
De l'être au devenir s'augmente le divorce.
Quand l'intellect échoue, la violence surgit
Et d'âme dénué mon corps ici bas gît.
Nombreux sont les géants se cognant au plafond,
Qu'il est bas leur plafond, au niveau du talon...
N'ayant pas décollé, je puis être un cheval.
Changeons de masque, chaque instant est carnaval !
Chaque photon en même jour lumière agrège !
Me voici un cheval. Personne en un manège
Ne me fait galoper, sa main sur le licou.
Lapin est mon ami, inapte aux mauvais coups...
Mais vivre ne sais pas sans lever les compteurs.
J'acquiers une écurie et des maîtres brouteurs,
Canassons pour driver d'obéissants poneys
Afin d'accumuler de la jolie monnaie.
Stressés dans leurs paddocks, les œillères serrées,
Alignés les voici, le regard apeuré,
- Quel est donc ce lacet qui leur noue les entrailles ? -
Pour courir le steeple et gagner des médailles,
Des obstacles sauter, relever des défis,
Pour leur gloire bien moins que surtout mon profit.
©JIM
(1) Hubert Reeves
Poème posté le 27/11/23
par Jim