Sur sa table de bureau un courrier pléthorique
Qu’il n’est plus urgent de décacheter.
Tranquillement en apparence, elle passe au destructeur
Les dossiers sur lesquels hier encore elle planchait.
Dans la poubelle, ils font de curieux serpentins colorés.
Mais elle n’est pas d’humeur arc-en-ciel ce matin.
Au mur, le planning de ce mois de novembre,
Avec presque à chaque ligne, des objectifs assignés.
Elle les efface un par un en marquant un temps d’arrêt
Sur celui tout en bas qu’elle ne réalisera jamais.
Elle pense à présent à ses deux enfants,
Souriants sur la photo posée sur son bureau.
Seize et dix-neuf ans. Elle les aime tellement fort !
Le travail est passé bien souvent avant eux…
Elle perçoit dans leurs yeux une vague mais réelle tristesse...
Une larme amère tombe sur sa joue.
Machinalement, elle prend un stylo, une feuille blanche
Et écris simplement : ‘Pardonnez-moi, je vous aime’.
L’angoisse du présent et de leur avenir la rattrape
Avec le séisme des phrases sèches de son directeur :
‘Le service va être restructuré. Vous allez être licenciée’.
Elle repense à ces vingt-cinq années de travail acharné,
Ne comptant jamais ni sa peine ni ses heures.
Elle a cinquante – huit ans… L’âge de l’inutilité.
A présent elle se déchausse et grimpe sur le bureau.
Elle aperçoit le parc familier où son regard parfois flânait,
Le point vert du banc où elles avalaient leurs déjeuners,
Sa collègue Josine et elle.
Dans le vertige des quinze étages plus bas qui la saisit,
Elle voit le vide de sa vie se profiler, sans travail.
Elle ne peut pas, elle ne doit pas l'envisager.
Elle fait glisser la fenêtre.
Un vent presque doux l’enveloppe…
Elle vient de tomber.