Bruits de bottes dans les rues,
Ordres secs, lourds grondements …
Etoiles jaunes cousues
Au revers des vêtements …
- C'était au-delà des larmes.
Se soustraire aux anathèmes
Du monstre avide et vengeur :
Faux papiers et faux baptêmes
Pour déjouer la terreur …
- C'était au-delà des larmes.
Le soupçon, vil et servile,
Peut-être dans ce regard ?...
Fuir alors, loin de la ville,
Fuir, avant qu'il fût trop tard …
- C'était au-delà des larmes.
Trop tard ! Planque découverte …
Trop tard ! Sinistre Vel-d'Hiv …
Trop tard pour donner l'alerte …
Trop tard ! Triste leitmotiv …
- C'était au-delà des larmes.
Trains lancés vers l'innommable,
Wagons puants, étouffants,
Pleins du silence insondable
Des cauchemars des enfants …
- C'était au-delà des larmes.
Baraquements, terre nue,
Barbelés, chiens, miradors
Et, telle une ombre aperçue,
La longue plainte des morts …
- C'était au-delà des larmes.
Or, un matin morne et pâle,
Cet assaut inespéré
Contre l'enceinte fatale,
Et soudain la liberté …
- C'était au-delà des larmes.
Endormie sur la boue noire
Où gisent les noms des camps
Et tapie dans la mémoire,
La déchirure du temps
Demeure, au-delà des larmes.
Le titre de ce poème est emprunté à Simone Veil, rescapée d'Auschwitz.
Elle ne parlait presque jamais de sa déportation et, à un journaliste qui
lui demanda un jour si elle avait beaucoup pleuré, elle répondit ceci :
"C'était au-delà des larmes"
Le camp d'Auschwitz fut libéré le 27 janvier 1945.