Valetitude
par Jim
Je suis un valeton issu de la tourbière ;
Qu'importe le Palais, pourvu qu'on ait la bière !
Je passe dans la rue comme tout importun.
J'ai grande ambition de devenir quelqu'un,
de n'être plus ce gueux qui fuit toutes les glaces,
d'appartenir à ceux dont se souvient la masse,
pour de bonnes raisons que tout le monde ignore,
et qui feront qu'un jour la Publique m'honore !
et je paye certains pour qu'il en soit ainsi.
Un jour, on me prendra pour l'ultime Messie !
Je cultive ceux-là qui me ressemblent tant,
qui d'un sourire bref, s'en vont toujours contents,
tous mus par cette soif qu'on ne sait assouvir,
Lesquels sont comme moi, toujours prêts à servir
une cause qui sied à gonfleter ma gloire.
Vivant, je rentrerai dans toutes les mémoires !
Y parviennent fort peu dès le premier essai.
Quiconque a étudié un peu l'Histoire sait
Qu'un bon Prince propose et le peuple dispose...
Le poète l'a dit, l'important, c'est la pose.
Dans le jardin d'Eden, tout bouquet est pour toi.
Que le pouvoir est doux quand il reste courtois !
Sa chanson n'est jamais trémolo d'une scie
quand on a bien compris le mot démocratie...
Si de mon impatience, on fit l'apologie,
Apprendre, il me fallut, de la pédagogie
afin, qu'à moi s'en viennent les petits enfants,
petits et grands, de sept à soixante dix-sept ans,
que ne différencie que le temps de cuisson,
qu'il faut savoir guider, malgré tous les buissons
tentateurs sur le bord, sur la route bien droite,
d'une sévère main, de la seconde adroite,
promettre des gâteaux, des bonbons, des sucettes,
du séduire on n'épuisera pas les recettes,
et leur céder, parfois, douceur et gourmandise,
car le naïf point ne résiste aux friandises,
afin que la confiance entre nous s'établisse...
et son vouloir tout doucement dans ma main glisse.
Sachant que les enfants ont souvent peur du loup,
je les protégerai de tous ses mauvais coups
et, pour les bien convaincre, un soir j'irai chercher,
après avoir fouillé les recoins du marché
pour dénicher un fauve qui ne soit un preux,
un épagneul en leur disant : « Voyez l'affreux,
voyez comme il est laid ! Mais ne craignez plus rien,
le méchant leu est devenu un bête chien,
je l'ai piqué et vous le livre, avec jouez ! »
Et je jouis de voir combien je suis roué.
Dès lors, en moi, verront leur maître et leur berger,
celui qui sut, contre Ysengrin, les protéger.
Un tel triomphe me rend fort, et j'en rafolle !
Que le peuple est gentil quand bien on le cajolle !
Combien je l'en mercie de choisir mon vouloir ;
Je suis seul à savoir ce qu'au bout du couloir
on y peut bien trouver comme terre promise,
qu'il n'est pas d'alliance augurant d'une lyse.
Rien ne m'agace autant que le vain du médiocre,
qui se croit de sang bleu alors qu'il n'est que d'ocre,
que l'autosatisfaction de la vermine,
cette moue, qui d'un rire benêt, se termine,
ces stars qui se croient belles aux jambes cagneuses !
que pauvreté d'esprit, de caisse enregistreuse,
et dans la porcherie, le couinement des truies !
de la hauteur fondée sur la sueur d'autrui !
Tout est forcé chez eux, le goût et le dégoût ;
le fumet d'un bon plat est d'infâme ragout !
Vous êtes contagieux comme un mal vénérien !
On fait semblant d'aimer le foot, car il faut bien
caresser l'électeur dans le sens du plastron,
afin de demeurer le servant d'un patron ;
en même temps, montrer une moue de mépris,
car on n'est pas de ceux dont le sens se méprit,
ainsi qu'on doit en assurer le bon parti,
pour lequel on restera le mal assorti,
auquel, finalement, malgré tous nos efforts,
et bien que des bouseux nous soyons les plus forts,
on ne saurait appartenir. Rêver fait vivre !
Comment de mon humaine gangue me délivre ?
Plus froide est leur humeur que celle d'un saurien !
Lorsque valet de pied l'on naît, on ne devient
que majordome au mieux, dans le palais du Prince,
mais jamais son Dauphin. Le rire souvent grince
quand est offert un second rôle auquel s'accouple
le fat, lui dont l'échine doit demeurer souple.
Pour avancer, il faut user de grosses ruses
qui font, qu'en assemblée, des présents on abuse,
ainsi que surent faire tous les bons apôtres.
Alors, qu'on montre, aux uns son cul, sa face aux autres,
la modalité s'avérant question de mode,
chacun, dans le regard, voit le faux, et le code
contrefait. Qu'est il de plus grossier qu'un Nestor
qui se tord et encor se tord et se destord,
essayant sans succès d'imiter son Seigneur ?
En fin, tous ces fûtés ne sont que des cogneurs
et ne seront jamais que des Dupont-Lajoie.
Pourtant Molière le montra en jouant son Bourgeois !
©JIM
Poème posté le 17/01/24
par Jim