Avant d'écrire, il vous fallut apprendre à lire ;
Lire ces traces que laissa votre gibier.
Chevreuil et sanglier de vous eurent pitié ;
Ils sont ces dieux que vous mangèrent sans les cuire.
Et c'est ainsi que vous traçâtes le destin.
Vous suiviez les troupeaux, vous aimiez la charogne.
Du langage n'aviez que le cri et la grogne ;
Vous digériez votre avenir dans ce festin.
Vous figeâtes le temps de vos mains sur la pierre,
Comme pour dire, à ceux que vous n'imaginiez :
Nous vécûmes, voyez, et nous avons régné !
Nous grimpons l'univers comme le mur le lierre.
La forme du besoin au silex vous donnâtes,
L'empreinte de vos mains accompagnait vos pas
Et de vous, laissiez trace, après votre trépas ;
Du premier animal l'intelligence éclate !
Puis le chasseur devint fermier, cueilleur de fruits,
Dans l'enclos protégea cet animal sauvage
Sans lequel n'aurait pu traverser les longs âges,
Laissant sa marque avec fureur et avec bruit.
Sans être encore un seing elle était déjà griffe,
Indiquant c'est à moi, clamant faire-savoir
Autant que savoir-faire, en se donnant à voir.
Quand le signe s’accroît, le naturel il biffe !
Puis il devint celui qui laisse son visage
Gravé sur une pièce, une monnaie, un sceau ;
Il a peu de savoir, il est souvent un sot,
Mais cela suffit bien pour être cru un sage.
Son image imposer face à l'éternité,
Il est maitre du jeu, le détenteur du signe
Bien qu'il ne soit immaculé, comme le cygne,
Et que sa griffe, déposée, que vanité.
Pour punir le manant, il scarifie son corps ;
Il grave son amour, tout autant que sa haine,
En autant de sillons que le soc strie la plaine ;
Et dans le bois d'un arbre aime inscrire son score.
Si la voie du signeur nous est impénétrable,
Celle du sire à guillotine conduisit ;
Lors celle du sieur dessous les ors luisit
Collant un possessif au nom incontestable.
Et nous voilà propriétaires de ce signe,
Sous l'automne du chef sous lequel être naît.
A mon sieur tous nos empires sont bornés :
Nous savons bien qu'aucun pêcheur ne tient la ligne.