Unmade
par Hurlevent
Bêtes sauvages de tous les clairs de nuit
Ma dépouille déposée au bord de l’hiver
Mon ultime souffle humblement offert
Qu’enfin me transperce la clarté de vos regards amuïs
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Pardon
De n’être qu’une dalle de nuit sur vos visages penchée
Qu’une maigre charpente de matière et de vent
Où des bêtes noires remuent des empreintes d’enfant
Un immense pays d’arbres aux ors gelés
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Là, vous ne verriez qu’emblavures
De pas perdus et chablis d’espoirs
Qu’égarement au loin des vergers fleuris
À l’entrée desquels se cabrent tous les chemins
Que gravats de lumière, à peine
Du flanc du matin au soc de sang
Arrachés, et déjà roués de ténèbres
Là, vous ne verriez que chantiers empreints
D’abandon à l’écart des villages
Tant de lisières de bois perdues
De vols orphelins d’oiseaux
Tant de traces enchevêtrées de nuages
D’écoulements de fontaines déshydratées
Tant de faussaires vivant en mon nom
Vous ne reconnaitriez personne
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Toute cette masse sèche et acaule
Fagotée et collante aux épaules
Cette sombre moraine avançant
Son mufle de brulante forge
Toutes ces bêtes noires rôdant
A la lisière de notre gorge
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Voyez-la, sur ses grandes pattes vides
Tel un chien de rouge de proies avide
Patrouiller dans nos veines pleines de pâleur
Qu’elle nous semble empreinte de douceur
Avec ses ‘ici repose en paix’ Pierre ou Paul !
Peut-être ..mais dans son invisible acropole
A mesure que s’approche la falaise, silencieuse
Elle creuse sa bouche glaiseuse
Elle radote des psaumes d’éternité
Elle rumine des pailles de sang
Où que la neige pose ses doigts pailletés
Elle sème le désordre du temps
Ô celle-là faite la moi oublier
Puisse l’aube m’apparaitre nouvelle
A travers l’ajourée dentelle
Des rêves d’un nouveau-nés
Nourris de son souffle apaisé
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Que nous reste-il comme espoir
Sinon nous rafraichir le visage le soir
Dans ces flots de mémoire qui glissent
Sur les façades venteuses d’anciennes bâtisses
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Il n’y a plus rien qu’un vent lourd
Pour rabattre la fierté des épis secs
Et dire que nous rêvions d’amour
Comme d’orages d’été les assecs
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Y-a-t-il un pli dans l’étoffe du vent
Un renfoncement d’espace inconnu
Une douce patrie de collines
Aux pruineuses joues d’enfant
Quelque chose dont nul
Ne connaitrait le nom
Une fissure entre des mots où
De petits poissons argentés et joyeux
Vont et viennent en silence
Un cœur de colibri accroché
A une fenêtre invisible ?
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Il y a des foules à l’orée de ses yeux d’orge
Dont les vagues se meuvent au gré des horloges,
Des étables du vent s’entendent les cloches des troupeaux
De ses amis l’on ne connait que le collier de traces près de l’eau
La trop vaste veste du monde de ses épaules
Dégringole comme le blizzard des pôles
Chaque soir ses mains se recouvrent d’une sciure de ciel bleu
Chaque matin la nuit peine à replier ses ailes de Freux
Dans son sang s’étend l’ombre des arbres gelés
Il serre des eaux mortes dans les poings
La tête contre le large poitrail du destin
Que peut-il contre ses muscles bandés ?
Poème posté le 29/03/22
par Hurlevent