LES DIEUX
Quand on est un simple homme, il fait vraiment trop chaud
A vouloir chatouiller du bout d'aile le feu.
Quand on est sur le trône, où donc viser plus haut ?
Il ne reste à entrer qu'en la maison des dieux.
Nous la dressons alors, comme une vaste tombe,
Sur la mer en terrasse où gisent les colombes,
Tandis que la vie sort sur le sable des dunes ;
Elle est, aux prétendants, une fosse commune
Dont les murs, par le temps, sont réduits en poussières.
Nos ébats près des dieux sont ceux d'âmes grossières.
Pour briller dans le ciel ne suffit d'être un roi.
Où sont ensevelis les astres d'autrefois ?
Même hors du temps nous n'évitons son laminoir.
Aucun dieu n'inventa le fidèle miroir !
Est-ce pour ça qu'on veut en devenir l'un d'eux ?
De n'être le plus beau je me plains et me deux.
LE ROI
La gloire et le trivial ne sont d'entre eux bien loin.
"Quand on est sur le trône on a bien d'autres soins"
Proclamait le roi Louis au sortir de son lit,
Roi qui, chaque jour, sut, que son soleil pâlît.
LE TYRAN
On veut, d'un règne court, empêcher le tyran
De sorte que chacun défasse le suivant.
Toujours les frères sont rivaux, jusques en terre ;
Le refus d'être rien est l'unique mystère.
L'ENFANT
Il est celui qui veut avoir au ciel son mois.
Le tyran est l'enfant qui crie "Ce n'est pas moi,
C'est l'autre ! Ce n'est pas de ma faute ! Pardon !"
Il se pense un héros, sans couper le cordon,
Et le rêve d'enfant chez l'adulte est démence.
"Je ne le ferai plus !" Et puis, il recommence.
LE PERE
C'est dans ces murs qu'enfant, du sceptre il s'imprégna.
Qui rougit d'obéir, où son père régna,
Se soumet cependant au plus trivial pouvoir
Qui prime son orgueil sur son princier devoir,
Qui jette les fléaux en fléchissant le sort,
Celui des bas instincts, qui fait craindre la mort,
La peur qui la fait fuir, le vouloir de l'hormone.
C'est dans cette sueur que baigne la couronne !
Un jour le cerf devra sacrifier son faon ;
Qui détient le pouvoir ne doit avoir d'enfant,
Afin que cet amour ne retienne son bras,
Que sa décision n'empêche son trépas.
L'ESCLAVE
Il faut que le brouillard soit pour lui la clarté.
L'esclave inaffranchi se croit en liberté
Dès lors qu'on lui permet de s'en aller aux jeux.
On voit alors briller le vide dans ses yeux !
L'homme obéit au son et nullement au sens,
Pour perdre la raison ne regarde à dépens.
Et sa philosophie tient en quelques slogans,
Pour meuler son esprit, aucun besoin de gants ;
Rien tant n'agit sur lui qu'un flash publicitaire,
Il grouille en le troupeau pour n'être solitaire.
Exciter son envie, le soumettre à son nerf,
Voici comment on satisfait le moindre serf.
Il veut juste savoir à quel chef obéir
Tout en se croyant droit quand son buste fléchir ;
Et, par fidélité, mériter quelques miettes,
Etre sûr que jamais ne soit vide l'assiette.
LE GUEUX
Ce ne sont les moutons qu'on voit en queue leu leu.
Le gueux détient le vrai pouvoir, car lui seul peut,
De par son ignorance, offrir l'occasion
De donner. Il reçoit, jusqu'à l'ignition.
Il est au cœur des fusions, des convergences,
Et ce n'est nullement par désir de vengeance
Qu'un Etna jette à bas toutes ces pyramides,
Tous ces tombeaux de nains chaque jour plus stupides.
C'est dans un magma chaud qu'un nouveau marbre naît
Afin que soient sculptés des hommes non bornés
Pendant que les fumées des anciens avatars,
Se noient, faute d'aster, dedans le Styx des stars.