Il n'y a sur la plaine où s'alanguit l'été
Qu'un silence immobile et pas ombre qui vive.
Seule une route passe, imperturbable rive
Des heures qui s'en vont sous le ciel excédé.
La lumière est un long soupir de l'infini,
D'un ennui sans reflets, une calme brûlure,
Et parmi l'herbe sèche il reste le murmure
De la brise défunte où s'est lové midi.
Or, voici que quelqu'un chemine, pas à pas,
Les épaules chargées d'une soif lancinante
Et d'une lassitude où la chaleur dolente
Se coule et se répand, le dos lourd, le front bas.
Son regard est tendu vers un arbre lointain
Dont le souffle puissant traverse la poussière,
Il embrasse déjà la silhouette fière
De ce guetteur ami, de ce veilleur serein.
Il s'approche, il s'assied, s'allonge et s'assoupit
Au pied du tronc placide et sous le dais paisible
Des feuilles déployées, voile presque intangible,
Contentement du corps et repos de l'esprit.
La touffeur s'est emplie d'un grondement confus,
De ce roulement sourd des nues enténébrées
Qui jette à l'horizon des lueurs déchirées
Et tire le dormeur de ses songes fourbus.
L'homme rouvre les yeux et se lève aussitôt :
Il se met sans tarder en quête d'un refuge,
Car l'orage grossit, et déjà un déluge
D'éclairs pleins de fureur épouvante l'écho.
Il avise une grange esseulée, à l'écart,
Il s'y hâte, y parvient tandis que le tonnerre
Semble partout monter du ventre de la terre,
Jetant dans la stupeur le soir craintif, hagard.
Soudain, frappant tout près de son doigt véhément
Une cible choisie parmi cent à la ronde,
La foudre pétrifie les profondeurs du monde
Et fige le temps-même en un instant dément.
Alors, comme rompant l'étreinte d'un géant,
La pluie s'abat enfin, vague, torrent, tempête …
Le marcheur, fou de joie, surgit de sa retraite
Et boit cette eau venue de l'empyrée béant.