La Deuche-à-Cupidon, dessin à l’encre et marqueurs (mars 2023)
Il faisait beau sur l’autoroute
Et le mois d’août battait son plein.
Un jeune loup, pressé sans doute,
Rongeait son volant et son frein
Dans un bouchon plein de voitures
Toussant vers le Midi prochain
Prometteur de tant d’aventures,
Royaume du maillot de bain.
Il est des jours où le Destin
Se met en grève ou en vacance*,
Tantôt chagrin, tantôt mutin,
Au petit malheur la malchance.
Il faisait nuit sur la pinède
Et le camping roupillait fort
Cependant que, cherchant de l’aide,
Une jolie fille du Nord
Pestait contre sa vieille tente
Qui commençait à s’affaisser,
Prenait une allure branlante
Et menaçait de s’effondrer.
Il est des jours où Cupidon
Vous décoche un clin d’œil complice
Et vous fredonne sa chanson
Qui vous pousse à entrer en lice.
Notre estivant sans plus attendre,
Surgi de son propre tipi,
Se mit en devoir d’entreprendre
Le remontage de l’abri
De son infortunée voisine,
En se promettant in petto
De l’inviter à la piscine
Puis à la buvette illico.
Il est des jours où Cupidon
Vous raconte une belle histoire,
Où son roman vous plaît, au fond,
Où vous avez envie d’y croire.
Il faisait clair et les cigales
Échangeaient les derniers potins,
Tandis que les fleurs matinales
Embaumaient le long des chemins.
Croisant au sortir de la douche
Son futé voisin bricoleur,
Notre Lilloise, fine mouche,
Se dit : « Alerte au joli cœur ! »
Il est des jours où Cupidon
Jusqu’à votre oreille se penche
Et d’un bon conseil vous fait don
Avant de regagner sa branche.
Il fit mistral, puis tramontane,
Puis vent du sud, puis pas de vent.
Puis Madame Irma la Gitane
Prédit : « L’avenir est devant ».
Alors, de piscine en buvette,
À vélo et en deux-chevaux,
Aimant à se conter fleurette,
Roucoulèrent les tourtereaux.
Il est des jours où Cupidon
Se montre d’humeur généreuse,
Où dessous son aile il fait bon
Avoir l’âme tendre et rêveuse.
Il pleuvait dru ce soir d’orage
Et la tente faisait de l’eau.
Aussi jugèrent-ils plus sage
D’en retirer tout le trousseau.
Dans la deux-chevaux se serrèrent,
Tout mouillés, tout transis de froid,
Et là, soudain, ils s’enlacèrent
(Chacun aura compris, ma foi).
Il est des jours où Cupidon
Vous prépare quelque surprise
Tirée de son carquois profond
Où tout de go la chair est prise.
Il fit le temps des têtes blondes,
Puis vint celui des cheveux gris,
Le temps des virées vagabondes,
Celui des vieux amants épris
Qui, sans une ombre et sans un doute,
Roulent plein sud, les yeux émus.
Et l’on voit passer sur la route
La deux-chevaux de leurs débuts.
Il est des jours où le Destin,
Cueillant les fruits mûrs de la chance,
S’en va folâtrer au jardin
Où Cupidon mène la danse.
Ecrit comme un clin d'oeil à trois chansons :
"Cupidon s'en fout" et "Le parapluie" de Georges Brassens
et "Une belle histoire" de Michel Fugain
*Le mot "vacance" renvoie ici à l'absence
de quelque Chose, d'où le singulier