"Petit Noun" Sculpture en résine, peinture pigments
par Oxalys
Potame est un cheval triste. Il a de grosses pattes qui l'empêchent de courir et sauter comme son copain Hakim le cheval arabe. Son cousin frison, qui vient du grand nord, est beau avec ses longs cheveux frisés. Mais Potame n'a pas cette splendide crinière noire, il a le poil ras et des plaques sur la peau. Pour se moquer de lui, à l'école, ses camarades l'appellent la tortue. Ils ne sont pas ses amis.
Il n'a pas d'amis. Il ressemble à un cheval comme un oiseau à une baleine. Il aime bien les baleines, elles chantent et dansent sur l'écume des vagues. Elles sont grosses comme lui, et pourtant si légères quand elles sautent par dessus la houle. Mais il ne sait pas nager, il flotte comme un caillou ; alors, il prend des bains de boue quand l'eau est basse dans le lac. Cela fait du bien à sa peau qui craquelle au soleil.
Le soleil, il l'aime bien aussi. Quand il est joyeux, il brille fort et on dirait une tarte au miel qui tremble dans le ciel. Il entend rire le soleil, il l'entend chanter. Quand il demande le silence en disant « écoutez, le soleil chante, il siffle aussi maintenant ! », on se moque de lui.
Les autres chevaux sont sourds, ils sont bêtes, ils n'entendent que leur panse quand c'est l'heure de l'avoine ! Courir, sauter, hennir, c'est tout ce qu'ils savent faire, ça leur suffit. Lui, il voudrait chanter et danser comme les baleines et le soleil, se sentir léger au dessus des vagues, se laisser porter par les gouttes jusqu'aux nuages, et même peut-être retomber sur la Lune...
On lui a dit que sur la Lune, on pèse moins. Alors, il défierait Hakim ! Mais il n'y a pas d'arbres, pas d'herbes, pas de lac dans lequel se baigner sur la Lune. C'est son copain Giloup le renard qui le lui a raconté, parce que son grand-père une fois y est allé pour chercher un mouton à laine de Lune. Comme il fait très froid sur la Lune, les moutons ont une laine très épaisse, tellement épaisse que, s'ils se mettent en boule, ils roulent ! Mais il n'a pas trouvé de moutons.
Quand il se sent le cœur lourd, il rejoint Sinante sa mère, elle est belle, fine comme un alezan, avec une crinière de frison, et des dentelles noires autour de ses sabots. Son père Ross aussi est beau, il court vite et saute haut. Il ressemble à Hakim.
…
Ce soir, il a demandé à ses parents pourquoi il n'est pas comme les autres ? Ils se sont regardés en silence puis, après un hochement de tête, lui ont raconté qu'ils l'aimaient beaucoup, que ce n'était pas de sa faute s'il était différent des autres chevaux, qu'il en était un aussi, d'une autre sorte : « Potame, tu es un hippo, tu comprends ? » Il a répondu « oui », mais pas vraiment. Et puis, quand ils lui ont expliqué sa venue parmi eux, dans sa famille, il a buté sur un mot bizarre. « C'est quoi », a-t-il pensé, « c'est quoi adopté ? »