Jusqu'au pli du ciel où la terre s'allège
par Vespertilion
L’ angle compté du temps enjambe la vallée
Et je marche à rebours en ces lieux familiers
Je glisse à la rencontre de l’ombre qui m’appelle
Mon enfance me happe sur le quai des Joghiers
Le front bleu de pensées dans ma robe de sel
Et je rêve la mer sur le navire du pont
Où sombrent les encres lasses des nuits blanches de gel
Quand déjà le soleil pisse à la pointe des toits
Je grimpe ce chemin entre poumons de givre
Et ma gorge se râpe à courser mes vingt ans
Je monte à fond de souffle ces courbes d’impatience
Les combes secouées d’un géant saillent la pente
Sous sa robe de pierre une guerrière frémit
Le tonnerre du canon hante le chemin de ronde
Les épines des haies portent des fruits de sang
Etreintes , guerres et morts , ma chair vous traverse
A l’aplomb des murailles je ramasse mes fers
Un vallon au soleil entrouvre sa corolle
Ma foulée se détend , mon enfance m’habite
Et puis quelqu’un m’attend à la lisière bleue
Tout là haut au replat où se livre l’horizon
Je traverse un bois où broutent les pachydermes
Des nervures ont signé mes ardoises cassées
Sous les rets des racines bourgeonne l’affleurement
Un banc s’est convulsé et la roche se faille
A la rupture de pente appelle la vallée
Rebelles les arbres seuls tiennent ce versant blessé
L’enfant qui m’a rejoint avale le chemin
Et mes pas arpentent ses empreintes plumeuses
Ma gorge sous mes talons mes poumons dans les pins
Et siffle l’air froid aux ailes de mes oreilles
Un étau de chaleur enserre mes épaules
Mille sources perlent à l’ombre de mes cheveux
Il n’y a plus que la fièvre qui fouette mon sang
Quand quelqu’un nous rallie sur la vaste esplanade
Où le temps , l’espace , l’horizon se chevauchent
Le galop d’une troïka va gagner les confins
Le soleil lancine comme un or oublié
A la ligne de crête l’ombre d’une tour s’allonge
Notre équipage rejoint sublime l’escarpement
Sous l’œil de l’enfant l’abîme taille le plateau
Tandis que mon grand père porte son âme à l’Est
Jusqu’au pli du ciel où la terre s’allège
Le soleil lancine et me ramène au Sud
Aux lacis des méandres la vallée croise les jambes
Le lit de la Meuse brûle une île danse au feu
Le galop d’une troïka passe l’ écran de fumées
Retour à la Citadelle de Namur , un demi siècle plus tard .
Poème posté le 01/06/08