Lettre à Mr. le Ministre de la transition (e)sc(h)atologique et de la coercition des territoires
par Maldoror
Monsieur le Ministre de la transition (e)sc(h)atologique et de la coercition des territoires,
Pourquoi vouloir limiter, par vos absurdes décrets, ce qui est la substance même de l’existence ? La chasse est une activité vitale, une recherche désespérée de la quête de l’être. C’est un assassinat psychique nécessaire, un acte ultime de survie intérieure. Il s’agit, dans un effroyable rapport de déchirement interne, d’une pulsion à la fois érotique et nécrophile entre les membranes de la pensée, entre le chasseur et la proie. Qui est le chasseur et qui est la proie, c’est là la question épineuse, si bien qu’il est difficile de déterminer quelle est l’ombre qui poursuit désespérément les pas de l’autre dans ce labyrinthe de miroirs et de corridors sans issue. La pratique des chasseurs de profession agréés par vos soins consiste à lâcher des meutes de craies enragées sur le tableau lacéré du cerveau qu’il reste à dompter. Ceux-là vont, armés de leurs filets à papillons, amasser les rêves comme des coléoptères, tels de sombres lépidoptéristes de la pensée. Mais le chasseur solitaire, primaire et authentique, s’il garde quelque souvenir de son passé, ne peut s’empêcher de partir à la vaine reconquête de ses territoires oubliés où l’on voit se fondre la lune et pleurer les étoiles, afin de dénicher dans leurs carcasses les quelques miettes d’une rêverie antérieure. La pensée s’échappe comme une fumée dans l’air et l’ombre que vous voyez accoudée là-bas, sur le bord d’une fenêtre, celle qui tient une cigarette entre ses doigts de fuseau, est à la fois chasseur et proie chassée, aventurier perdu sur les sentiers de ses souvenirs, cerf fuyant les chiens affolés par le parfum d’une déesse des temps anciens. C’est acté, on s’extase ! Un nouvel Actéon chercherait les secrets de l’alchimie capables d’inverser l’infâme métamorphose dont il est à la fois la victime et le protagoniste, chasseur inversé dévoré par ses brides de visions incontrôlées, ces quelques éclaircis de sa mémoire nébuleuse et dépecée… Ne voyez-vous pas une certaine contradiction à vouloir, par vos décrets et votre métrique ministérielle, mettre une forme figée à ce qui s’apparente, somme toute, à une course-poursuite, non pas saccadée ni sculptée, ni même pétrifiée par le marbre de vos édits, mais bel et bien effrénée et vertigineuse, comme peut l’être un déferlement incessant d’images qu’une caméra détraquée filmerait fidèlement au sein de l’abîme de l’être ? Ce n’est pas en s’attardant sur les formes que vous réussirez à démasquer les simagrées du supplice. La chasse à cœur est ouverte et je me perds dans les bois du voyeur d’antan, le corps et l’esprit emplis du plomb des écoliers. Le repas s’annonce difficile…
Poème posté le 31/03/24
par Maldoror