Vieux piano
par Emile NELLIGAN
L'âme ne frémit plus chez ce vieil instrument;
Son couvercle baissé lui donne un aspect sombre;
Relégué du salon, il sommeille dans l'ombre,
Ce misanthrope aigri de son isolement.
Je me souviens encor des nocturnes sans nombre
Que me jouait ma mère, et je songe, en pleurant,
À ces soirs d'autrefois, passés dans la pénombre,
Quand Liszt se disait triste et Beethoven mourant.
Ô vieux piano d'ébène, image de ma vie,
Comme toi du bonheur ma pauvre âme est ravie,
Il te manque une artiste, il me faut L'Idéal;
Et pourtant là tu dors, ma seule joie au monde,
Qui donc fera renaître, ô détresse profonde,
De ton clavier funèbre un concert triomphal?
Nelligan, Émile, 1879-1941 Ce poème a été vérifié et le contenu authentifié.
Poésies complètes
Dépôt légal : © 2002 Éditions TYPO
Bibliothèque et Archives nationales du Québec
ISBN 2-89295-149-6
Poème posté le 20/06/16
par Rickways