Le mâle insensible
par Patrick
ou
(P)laideur coupable
Et si l’agnelle tombait dans une vraie passion
Pour un loup, un loup humain je veux dire, un loup
Dont le regard, l’écoute, la tendresse, l’émotion
Ferait de lui un loup tout doux, un loup pilou ?
Et si l’agnelle ne voyait pas la fondation
De ce loup, oubliait son côté morfaloux,
Ne voyant jamais sa puissante dentition,
Niant, en amour pour lui, son ombre de loup !
Et si, un jour, la brebis, lors d’un faux sourire,
Voyait, sans l’ombre d’un soupçon, surgir un croc
Si la malheureuse s’en affolait ou, pire,
Prenait peur voyant venir ses temps sépulcraux ?!...
Quel choix s’imposerait : « Mourir, dormir ; dormir,
Peut-être rêver* » … et vivre entre des barreaux
Pour encaisser le choc, et être sans gémir ?
Que faire, que ne pas faire dans un monde d’accrocs ?
Et si le loup, dans son amour dantesque à lui,
Ne jouait pas un drame, mais qu’une tragédie
Perle à son dénouement ? Si noir était le fruit
D’une action malmenée par une âme enlaidie ?
S’il était lui-même pion d’un chancre fortuit ?
Si sa conscience était noircie par un non-dit ?
Si sa lumière, dans leurs premiers temps, avait lui
Et que la brebis n’ait pas vu la maladie ?…
La brebis devrait-elle subir le martyr ?
Comment trouver la ressource pour chasser l’obscur
Si le loup l’encloître jusqu’à l’anéantir
Si, dans ces jours câlins, il n’a lui-même cure
De son devenir, ne songeant qu’à la sertir,
Plus qu’à l’étreindre, chaton hérissé de piqûres ?…
La brebis doit-elle aussi subir le martyr,
Voyant s’assombrir sa vie déjà claire-obscure ?
Amusant : j'ai écrit ce texte qui a failli m'emporter vers "l'excuse" vis-à-vis du pervers narcissique. En comprenant cela, le second titre est venu tout seul...
Je me connecte pour vous offrir mon poème et, là, je découvre le thème du mois : JUSTICE
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NOTE
*Shakespeare dans Hamlet, acte III scène 1 :
HAMLET. — Être ou n’être pas, voilà la question. Quel est le plus noble parti ? Supporter les coups de fronde et les flèches de l’injurieuse fortune, ou prendre les armes contre un monde de douleurs, et y mettre fin en leur résistant ? — Mourir, — dormir, — rien de plus ; dire que par un sommeil nous mettons fin au mal du cœur et aux mille accidents naturels auxquels notre chair est sujette, — certes c’est un dénouement que l’on peut dévotement désirer. Mourir, — dormir ; — dormir, peut-être rêver : — oui, voilà le point d’interrogation ; car quels sont les rêves qui peuvent nous venir dans ce sommeil de la mort, lorsque nous avons échappé à cette tourmente humaine ? Cela nous oblige à réfléchir. Voilà la considération qui prolonge si longtemps la vie du misérable : qui voudrait en effet supporter les coups de fouet et les mépris du monde, les injustices de l’oppresseur, les affronts de l’homme orgueilleux, les tortures de l’amour dédaigné, les lenteurs de la justice, l’insolence des gens en place, et les coups de pied que le mérite patient reçoit des indignes, quand on pourrait soi-même s’octroyer le repos avec un simple petit poignard ? Qui voudrait gémir et suer sous les fardeaux d’une vie fatigante, sans la crainte de quelque chose après la mort, cette contrée inconnue, dont aucun voyageur ne repasse la frontière ? Voilà ce qui embarrasse la volonté, et nous décide à supporter les maux que nous avons, plutôt que de courir à d’autres que nous ne connaissons pas. C’est ainsi que la conscience fait des lâches de nous tous ; c’est ainsi que les couleurs naturelles de notre résolution bien portante sont pâlies par le teint blafard de la pensée maladive, et que des entreprises de grande portée et de grande importance, grâces à cette considération, changent de cours, et s’égarant, perdent le nom d’action.
Poème posté le 08/11/24
par Patrick