Le gardeur de troupeaux XXIV
par Fernando PESSOA
Ce que nous voyons des choses, ce sont les choses.
Pourquoi verrions-nous une chose s'il y en avait une autre ?
Pourquoi le fait de voir et d'entendre serait-il une illusion,
si voir et entendre c'est vraiment voir et entendre ?
L'essentiel c'est qu'on sache voir,
qu'on sache voir sans se mettre à penser,
qu'on sache voir lorsque l'on voit,
sans même penser lorsque l'on voit
ni voir lorsque l'on pense.
Mais cela (pauvres de nous qui nous affublons d'une âme !),
cela exige une étude profonde,
tout un apprentissage de science à désapprendre
et une claustration dans la liberté de ce couvent
dont les poètes décrivent les étoiles comme les nonnes éternelles
et les fleurs comme les pénitentes aussi éphémères que convaincues
mais où les étoiles ne sont à la fin que des étoiles
et les fleurs que des fleurs,
ce pourquoi nous les appelons étoiles et fleurs.
Alberto CAEIRO
Poème posté le 20/11/20
par Tigrou
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