Je suis un peuple de cueillette
vaillant et piétinant la ronce
qui m’égratigne le mollet
pour cueillir la mûre sauvage
dans de petits paniers de jonc
tressé sur badines d’osier
Je suis un peuple de potiers
proches terres vernissées d’Algérie
lointaines porcelaines grain-de-riz
Je suis un peuple de la mer salée
des vents alizés des nuits en hauts cris
d’Orient extrêmes
Je suis un peuple danse
et transe tam-tam bal à fond
lumières noires des koras
Afrique d’odeurs Afrique sonore
je suis un peuple qui t’adore
Je suis un peuple hanté de solitude
danse et cris couleurs des îles en Mer du Sud
aux cheveux de corail des tamourés
Les toérés se sont tus épuisés
à l’aube bercée d’un oukoulélé
sur le lagon frémissant de lumières irisées
Je suis un peuple qui s’enivre
au tiaré de ta senteur fleur
Je suis un peuple que de rien
des rias et des abers
des estuaires offerts à l’océan
ouverts à tous les vents
où se mêlent mer et rivières
fleuve sang qu’il s’émeuve
Je suis un peuple en moins
Je suis un peuple de maçons
aux doigts désespérés
labourant ensanglantés le rocher
des emmurés vivants
dans le mausolée du tyran
squelettes immaculés
de la dictature et du prolétariat
os laids témoins muets immuables
de l’éternelle barbarie
Je suis un peuple d’infamie
Je suis un peuple grille-âgé
bétonné armé barbelé
parqué vidéo quadrillé
comme une grenade au
dégoût-pillé vivant
Je suis un peuple globalisé
miné menacé mondialisé
à fredonner baillonné
les refrains rebelles
du djebel de l’Homme de boue
Je suis un peuple enfant
des printemps avortés
de Prague ou de Pékin
de tous les matins calmes
avant la tempête…
Je suis le peuple à l’aurore
du petit d’Homme qui dort
encore aspiré vers la Lumière
et la mise à l’épreuve
de ce monde à boire
mat ou glacé
Je suis le peuple de l’Homme
qui devient ceux qu’il aime
et Lui-même