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Poésie libre / L'écriture comme champ de bataille
           
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L'écriture comme champ de bataille
par Reumond

Highslide JS
par Reumond


Entre la lettre et l’esprit, la lettre et l’être, entre nous, je et tu, depuis les origines du premier trait, source même de l’écrit primal, c’est toujours une question de révélation ! Comme on trace par terre avec les genoux, dans la nef des cathédrales, des labyrinthes de pierre bleue, pour écrire individuellement son chemin de pèlerin ; souvenez-vous, enfant, muni d’une craie blanche, nous fîmes des marelles sur des supports de bitume, et des fautes d’orthographe sur des tableaux noirs. De même, depuis le jour ou le pas dans l’espace se fit graphies, ce jour là, l’homme marcha vers lui-même pour la première fois, sur lui-même parfois, mais surtout sur les marges des autres ! Parce qu’entre l’estime de soi et le culte de l’égo, l’écriture est un véritable champ de bataille ! C’est entre le pas de plume et le trait de la nuit, le cri des burins et les jets de pierre, que l’aube et le crépuscule des opuscules se la jouent, la vie, plus ou moins belle, de jour comme de nuit. Surtout dans la pénombre ! Mais c’est justement là, dans cet entre-deux des écrits et des graphies en général, que s’inscrivent les encres noires, bleues et rouges, sur des papiers solidaires comme des « marches blanches » ; c’est là le but du jeu ! C’est là, encore, en cette zone sensible et difficile de l’entre et des encres amères, au plus profond des sillons calligraphiés, que se trace et s’imprime l’écriture au lieu même de grands combats spirituels. C’est dans cette coursive des passages laborieux, que s’écrit la cursive selon les règles et traits de caractère de chacune et de chacun. Entre les transports de sentiments les plus divers, les jaillissements d’émotions, les rêves et les histoires à dormir debout comme des porteplumes, l’écriture s’écrit ainsi, comme une histoire, un scénario de vie, elle se livre, se dit, se dicte et se chante aussi, comme un hymne à la vie et en même temps comme un chant de guerre. Allons enfant de la patrie, entre le silence et le bruit, la vie comme écriture fait son nid ! Scénographique ou chorégraphique, quelque part dans les méandres de nos graphies, la vie est toujours manuscrite ! Pourquoi tant d’hostilité entre les lignes et les brouillons ? Que de légions, de campagnes dont nous sommes les soldats irrités, que d’expéditions punitives pour corriger l’erreur, d’incursion dans les dictionnaires et la grammaire, que de justifications bidon derrière nos protections et barricades manuscrites ! De la main maladroite de l’enfant à la main gauche du vieillard, la vie est un affrontement, et l’écriture un vrai champ de passions. En ces lieux de conflits, les poètes ne sont pas plus sages, et pas moins égoïstes que tous les militaires. Entre les pages tartinées, que de revanches sur la vie ou sur l’autre aussi en ces pages confites, que d’opérations militaires à coup de char métaphorique, que d’offensifs débats télévisés à flanc de médias; que de manœuvres frauduleuses dont nous sommes tous les artisans blessés, et que de mouvement de troupes vers un prix ou une marche forcée vers la cible d’une reconnaissance. Que de tactiques stratégiques mises en branle, de pas en avant et de fuite en arrière, de prise de bec et de plume, de déclaration de guerre et de trêves ratées. Et que de talents gâchés, de frustrations, de munitions gaspillées en vain, d’attaques évitées, de critiques intempestives et de guet-apens tout au bout de la ligne ! Les plumiers sont-ils des guérites ouvertes au feu des encres et nos Waterman des mitrailleuses Kalachnikov déguisées en fleurs ? Pourquoi la peur au fusil, pourquoi prendre la plume comme on prend les armes, afin de guerroyer à compte d’auteur, se faire des amis pour conquérir quelques lecteurs, au nez d’un adversaire invisible, d’un ennemi jugé d’avance ou d’un allié de papier mâché. Oui, sur le front des mots, combien d’écrivains sont avant tout des stratèges de l’écrit, des tacticiens du livre et des généraux de l’édition ? Que de tensions parfois, de surprises aussi, de peurs entre les lignes, car le champ de bataille est aussi un jardin fantastique, que se partagent les lecteurs, les liseuses en pleur et les lecteurs en recherche ou en détresse. La page blanche sert de support à toutes nos projections et à tous nos transferts psychologiques, mais c’est son karma ! Il est midi, dehors, les cloches sonnent l’angélus, et dans nos campagnes, les chants de joie et les champs d’honneur se confondent en un seul cri, dans un même jet de mots et en un même écrit ! Que de tentatives d’inception de mots et d’idées, de parasitages, pour déposer dans nos têtes déjà trop pleines comme des messages subliminaux ; mais n’oublions pas que derrière et devant les mots, il y a des gens ! Pourtant, entre l’autocensure et l’exhibitionnisme, l’invasion et l’affrontement, il y a de nombreux chemins possibles, de petits sentiers qui sentent la noisette. Alors que de controverses insensées, de défilé de Bic comme un 14 juillet. Mais dans le livres, qui garde les gardiens des pages, qui surveille les censeurs et chasse les sangsues ? « C’est celui qui dit qui l’est ! » disent mes petits-enfants. Polémistes, gens d’armes et de lettres, que de conquêtes d’écoles, de clans ou d’académies ; en ces terrains vagues et sauvages de l’écriture, où critiques et auteurs s’arrachent les yeux et les pages, chacun recherche l’ombre de palme ou de verts laurier ; pourtant, en ces zones frontières, pour écrire ou lire, il y a de quoi se faire bien du plaisir ! Ça discute, ça discoure…, mais les mots, toujours nous trahissent, et disent l’état d’esprit et le caractère de celui qui le dit ou l’écrit. Pourtant, que de styles différents, de nouveautés, de beauté en ces lieux d’invitations au partage, d’appel à l’écriture et à la lecture ! En écrivant ou en lisant, chacun aspire à l’aventure, aux honneurs ou au bonheur le plus doux, à la gloire ou à quelque réussite. Tout ça est bien humain et sur le champ de la page blanche, il y a de place pour les rêves de chacun ! Et en ces pages torturées, défigurées par la bataille, ou enjolivées par quelques touches de couleurs ou de bonheur, nous sommes toujours à même de retrouver quelques reflets de nos propres états d’âme et des traces de nos propres guerroiements. Armistice 2011 - Liège

Les plumiers sont-ils des guérites ouvertes au feu des encres et nos Waterman des mitrailleuses Kalachnikov déguisées en fleurs ?<br />


Poème posté le 16/11/11


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Reumond



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