Mille prodiges par le monde...
par SOPHOCLE
Vers 331 - 377
Le chœur.
Mille prodiges par le monde...
Mais l'homme est le plus haut prodige :
Il passe la mer écumeuse,
le vent du sud, en ses bourrasques,
le porte : il passe au creux des lames qui se gonflent
et le cernent de leurs abois.
Et la Terre, divine et toute souveraine,
impérissable, intarissable
d'année en année il l'éventre
au va-et-vient de ses charrues où il attelle
les bêtes dont il a peuplé ses écuries.
Les oiseaux à l'âme légère
dans ses rets il les enveloppe ;
les hordes des bêtes sauvages
et la faune océane en mer
il les capture au fonds des mailles du filet
qu'il sait tresser, dans son astuce,
lui, l'Homme ! Et ses engins maîtrisent l'animal
qui gîte aux champs, qui court les monts ;
sous le joug qui serre leur nuque
le cheval offrira son col empanaché
le taureau montagnard son inlassable effort.
À la parole, au souffle ailé de la pensée,
aux sentiment sur qui se fonde
la vie civilisée
il s'est initié lui-même.
Âpre gel qui, du haut du ciel
s'étend sur la campagne? âpres flèches de pluies ?
il sait leur échapper : bien armé contre tout
et jamais désarmé devant ce qui l'attend -
hormis la Mort : c'est le seul mal qu'il ne pourra
jamais se ménager le moyen d'éviter...
Et pourtant il a su mettre au point des remèdes
pour bien des maladies qui semblaient sans ressources !
Industrieux, il a des ressources savantes
qui dépassent toute espérance.
Mais on le voit marcher
tantôt sur le chemin du mal
et tantôt sur la voie du bien.
Si sa foi, engagée aux justes droits des dieux,
broche sur le respect des lois de son pays,
à lui dans la cité le pavois ! Mais au ban
de la cité celui qui ose, par bravade,
s''abandonner à des actes infâmes !
Puissé-je ne jamais rompre avec lui le pain,
ni partager avec cet homme ma pensée !
Antigone de Sophocle Ce poème a été vérifié et le contenu authentifié.
Les tragiques Grecs
Théâtre complet - Traduction de Victor-Henri Debidour
La Pochothèque - Livre de poche
Poème posté le 24/08/21
par Jim