L'insuffleur (l'amant)
par THEOCRITE
Tu es venu, ô mon cher garçon. A la troisième nuit, à la troisième aurore,
Tu es venu. Ceux qui désirent, un seul jour les vieillit.
Autant l'été est plus délicieux que l'hiver, la pomme que le brabyle,
Autant la brebis est plus douce que l'agneau,
Autant la vierge l'emporte sur la femme trois fois mariée,
Autant la biche est plus légère que la génisse, autant le rossignol
Est le meilleur chanteur de tous les oiseaux,
Autant tu as réjoui mon cœur, toi, en paraissant, et j'ai couru
Comme à l'ombre d'un chêne le voyageur rôti par le soleil.
Puissent les amours souffler égaux sur nous deux,
Et que nous soyons chant aux hommes de l'avenir :
« Ils furent divins, es deux-là, parmi les générations
De jadis. » - « Celui qui inspirait », dira le Spartiate,
« Et l'autre, » dira le Thessalien, « insufflait. » -
« Et ils s'aimèrent l'un et l'autre d'un joug égal. » - « Ah, oui ils furent
Des hommes de l'âge d'or, quand l'aimé aimait en retour. »
Ô que cela s 'accomplisse, fils de Cronos ! Et vous, Immortels
Sans vieillesse ! Et que dans deux cents ans
Quelqu'un vienne me dire dans l'Achéron sans retour :
« Ton amour et le beau garçon qui t'insufflait
Sont aujourd'hui sur toutes les lèvres, surtout chez les jeunes. »
Mais de ces choses les dieux disposent.
Il en sera comme ils veulent. Et moi, en célébrant ta beauté,
Je ne me verrai pas pousser au-dessus du nez les boutons du mensonges,
Car si tu me causes quelque morsure, aussitôt tu la guéris,
Tu me dédommages au double, et je pars plus que comblé.
Ô vous qui habitez Mégare Nisaia, vous les meilleurs des rameurs,
Vivez heureux, car vous avez honoré plus que tout
L'étranger venu d'Athènes, Dioclès l'amant de adolescents.
Année après année, au premier printemps, autour de a tombe
Tous les garçons rivalisent pour le prix du baiser.
Celui qui presse contre les lèvres des lèvres plus savoureuses
S'en va chez sa mère chargé de couronnes.
Heureux l'arbitre des baisers des adolescents !
Sans doute souvent il invoque Ganymède aux yeux de lumière :
Ô que ma bouche soit comme la pierre de Lydie.
Les Magiciennes et autres idylles Ce poème a été vérifié et le contenu authentifié.
NRF / Poésie / Gallimard - 2021
Traducteur : Pierre Vesperini
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Poème posté le 27/05/22
par Jim