Ode à la font
par Paul VALERY
Je n'ai souci que de vostre fontaine,
Source où ma souëf trouve une onde certayne
Dans vos yeux doux trop sûrs de me charmer
Tendre clarté qui me prit la première
J'ayme ces yeux jusques à les fermer
D'un tel bayser qui boyve leur lumière...
J'ayme vos yeux jusques à les fermer
Et leur éclat doucement désarmer
Grande Beauté, pour vous mieux entreprendre
Et dans l'obscur de vostre aveuglement
Joindre l'amour avec l'amour et rendre
L'âme qu'il faut, nostre âme du moment...
Joindre l'amour avec l'amour et rendre
Ce qu'entre nous chascun se laisse prendre,
Rendre caresse et prendre son plus doux
Puisque chascun dans son cher autre treuve
Depuis la bouche et parmi les genoux
Tout le bonheur d'une souëf qui s'abreuve.
Tout le bonheur d'une souëf qui s'abreuve
Puys-je y penser que ma chair ne se meuve
Et que ne voye une imaige de toi
Toute d'albastre et fraîche sur ta couche
Tendant ta main délectable vers moi
Qui ja frémit devant qu'elle me touche.
Coronilla (Poème à Jean Voilier) – Poèmes sans date Ce poème a été vérifié et le contenu authentifié.
Editions de Fallois - 2008
Poème posté le 17/07/22
par Jim