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Poésie d'hier / Rosaire
              
Poésie d'hier / Rosaire
         
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Rosaire
par Francis JAMMES


Annonciation Par l’arc-en-ciel sur l’averse des roses blanches, par le jeune frisson qui court de branche en branche et qui a fait fleurir la tige de Jessé ; par les Annonciations riant dans les rosées et par les cils baissés des graves fiancées : Je vous salue, Marie. Visitation Par l’exaltation de votre humilité et par la joie du cœur des humbles visités ; par le Magnificat qu’entonnent mille nids, par les lys de vos bras joints vers le Saint-Esprit et par Elisabeth, treille où frémit un fruit : Je vous salue, Marie. Nativité Par l’âne et par le bœuf, par l’ombre et par la paille, par la pauvresse à qui l’on dit qu’elle s’en aille, par les nativités qui n’eurent sur leurs tombes que les bouquets du givre aux ailes de colombes ; par la vertu qui lutte et celle qui succombe : Je vous salue, Marie. Purification Par votre modestie offrant des tourterelles, par le vieux Siméon pleurant devant l’autel, par la prophétesse Anne et par votre mère Anne, par l’obscur charpentier qui, courbé sur sa canne, suivait avec douceur les petits pas de l’âne : Je vous salue, Marie. Invention de Notre Seigneur au Temple Par la mère apprenant que son fils est guéri Par l'oiseau rappelant l'oiseau tombé du nid Par l'herbe qui a soif et recueille l'ondée Par le baiser perdu par l'amour redonné Et par le mendiant retrouvant sa monnaie Je vous salue, Marie. L'agonie Par le petit garçon qui meurt près de sa mère Tandis que des enfants s'amusent au parterre Et par l'oiseau blessé qui ne sait pas comment Son aile tout à coup s'ensanglante et descend Par la soif et la faim et le délire ardent Je vous salue, Marie. La flagellation Par les gosses battus, par l'ivrogne qui rentre Par l'âne qui reçoit des coups de pied au ventre Et par l'humiliation de l'innocent châtié Par la vierge vendue qu'on a déshabillée Par le fils dont la mère a été insultée Je vous salue, Marie. Couronnement d'épines Par le mendiant qui n'eut jamais d'autre couronne que le vol des frelons, amis des vergers jaunes ; et d'autre sceptre qu'un bâton contre les chiens ; par le poète dont saigne le front qui est ceint des ronces des désirs que jamais il n'atteint : Je vous salue, Marie. Portement de croix Par la vieille qui, trébuchant sous trop de poids S'écrie: " Mon Dieu ! " par le malheureux dont les bras Ne purent s'appuyer sur une amour humaine Comme la Croix du Fils sur Simon de Cyrène Par le cheval tombé sous le chariot qu'il traîne Je vous salue, Marie Crucifiement Par les quatre horizons qui crucifient le monde Par tous ceux dont la chair se déchire ou succombe Par ceux qui sont sans pieds, par ceux qui sont sans mains Par le malade que l'on opère et qui geint Et par le juste mis au rang des assassins Je vous salue, Marie. Résurrection Par la nuit qui s’en va et nous fait voir encore l’églantine qui rit sur le cœur de l’aurore ; par la cloche pascale à la voix en allée et qui, le Samedi-Saint, à toute volée, couvre d’alleluias la bouche des vallées : Je vous salue, Marie. Ascension Par le gravissement escarpé de l’ermite vers les sommets que les perdrix banches habitent, par les troupeaux escaladant l’aube du ciel pour se nourrir plus que de neige de miel, et par l’Ascension du glorieux soleil : Je vous salue, Marie. Pentecôte Par les feux pastoraux qui descendent, la nuit, sur le front des coteaux, ces apôtres qui prient ; par la flamme qui cuit le souper noir du pauvre ; par l’éclair dont l’Esprit allume comme un chaume, mais pour l’Éternité, le néant de chaque homme : Je vous salue, Marie. Assomption Par la vieille qui atteint, portant un faix de bois, le sommet de la route et l’ombre de la Croix, et que son plus beau fils vient aider dans sa peine ; par la colombe dont le vol à la lumière se fond si bien qu’il n’est bientôt qu’une prière : Je vous salue, Marie. Couronnement de la Sainte Vierge Par la Reine qui n’eut jamais d’autre Couronne que les astres, trésor d’une ineffable Aumône, et d’autre sceptre que le lys d’un vieux jardin ; par la vierge dont penche le front qui est ceint des roses des désirs que son amour atteint : Je vous salue, Marie.

Clairières dans le ciel / L'Eglise habillée de feuilles - Mercure de France (1916)

Poème posté le 11/11/22 par Jim

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