Antiope
par Théodore DE BANVILLE
Hélas ! sur tous ces corps à la teinte nacrée
La Mort a déjà mis sa pâleur azurée,
Ils n’ont de rose que le sang.
Leurs bras abandonnés trempent, les mains ouvertes,
Dans la vase du fleuve, entre des algues vertes
Où l’eau les soulève en passant.
Théophile Gautier, Le Thermodon.
Près du clair Ilissos au rivage fleuri
L’indomptable Thésée a vaincu les guerrières.
Mourantes, leurs chevaux les traînent dans les pierres :
Pas un de ces beaux corps qui ne râle meurtri.
Le silence est affreux, et parfois un grand cri
L’interrompt. Sous l’effort des lances meurtrières,
On voit des yeux, éteints déjà, sous les paupières
S’entr’ouvrir. Tout ce peuple adorable a péri.
Antiope blessée, haletante, épuisée,
Combat encor. Le sang, ainsi qu’une rosée,
Coule de ses cheveux et tombe sur son flanc.
Sa poitrine superbe et fière en est trempée,
Et sa main, teinte aussi dans la pourpre du sang,
Agite le tronçon farouche d’une épée.
Les Princesses, Alphonse Lemerre, éditeur
Poème posté le 23/02/23
par Salus