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Poésie d'hier / Le dit de l'université de Paris
              
Poésie d'hier / Le dit de l'université de Paris
         
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Le dit de l'université de Paris
par RUTEBEUF


Il me faut rimer sur un conflit qui a fait et qui fera dépenser beaucoup d'argent : Les choses en ce monde n'en iront pas mieux. Les clercs de Paris (Je parle de ceux de l'Université, en particulier de la Faculté des Arts, non pas des hommes d'âge pleins de vertu) sont entrés en conflits les uns avec les autres : rien de bon n'en sortira, je crois ; il n'en sortira que des mots et des tourments, c'est ce qui arrive déjà jour et nuit. Est-ce bien une chose à faire ? Le fils d'un pauvre paysan viendra étudier à Paris ; tout ce que son père pourra gtatter sur un arpent u deux de terre, il le donner tout entier à son fils, pour qu'il se fasse honneur, qu'il se fasse estimer, et lui, il en reste ruiné. Une fois le jeune homme arrivé à Paris pour faire ce à quoi il s'est obligé et pour mener une vie honorable, il inverse la prophétie d'Isaïe : ce qui fut gagné par le roc et la charrue, il le convertit en équipement militaire. Il regarde dans toutes les rues où il peut voir une jolie traînée ; il regarde partout, partout il traîne ; son argent fuit, ses habits s'usent : tout est à recommencer. De telles semailles ne sont guère fécondes. En Carême, quand on doit agir de façon à plaire à Dieu, ils revêtent un haubert à la place d'une haire et boivent jusqu'à en être assommés ; à trois ou quatre ils font se battre quatre cents étudiants et arrêtr-er les cours de l'Université : n'est-ce pas là un grand malheur ? Dieu ! Il n'est pas pourtant de vie si honorable, pour qui aurait envie de bien se conduire, que celle du véritable étudiant ! Ils endurent plis qu'un portefaix, dès lors qu'ils veulent étudier sérieusement ; ils ne peuvent pas songer à s'attarder longtemps à table : leur vie est aussi méritoire que celle de n'importe quel moine. Pourquoi partir loin de chez soi, s'en aller dans un pays étranger, si c'est pour y devenir un fou parfait alors qu'on doit apprendre la sagesse, pour y perdre son argent et son temps et pour faire honte à ses amis ? Mais le mauvais étudiant ne sait ce qu'est l'honneur.

Classique Garnier – Livre de poche – Lettres gothiques
Traduction & adaptation par Michel Zink


Poème posté le 18/09/23 par Jim


 Poète
RUTEBEUF



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