Karomama
par Oscar MILOSZ
Mes pensées sont à toi, reine Karomama du très vieux temps,
Enfant dolente aux jambes trop longues, aux mains si faibles
Karomama, fille de Thèbes,
Qui buvais du blé rouge et mangeais du blé blanc
Comme les justes, dans le soir des tamaris.
Petite reine Karomama du temps jadis.
…
— Un jour (a-t-elle vraiment existé, Karomama ?),
On entoura ton corps de jaunes bandelettes,
On l’enferma dans un cercueil grotesque et doux en bois de cèdre.
La saison du silence effeuilla la fleur de ta voix.
Les scribes confièrent ton nom aux papyrus
Et c’est si triste et c’est si vieux et c’est si perdu…
C’est comme l’infini des eaux dans la nuit et dans le froid.
…
Malgré tes airs d’enfant que sut éterniser
L’auteur de ta statue polie par les baisers
Des siècles étrangers qui languirent loin de toi.
Je te sens près de moi, j’entends ton long sourire
Chuchoter dans la nuit : « Frère, il ne faut pas rire, »
— Mes pensées sont à toi, reine Karomama.
Poèmes 1895-1927
Poème posté le 02/10/23
par Arielle