Amour et jeune fille
par Jules CANONGE
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TABLEAU PAR M. COMPTE-CALIX
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Tu lui dis : « Rira bien qui rira le dernier ! »
Jeune belle, prends garde !
D'un air malicieux, dans ce bois printanier,
Cet Amour te regarde.
Il ne faut pas narguer ainsi les immortels ;
Malgré sa frêle enfance,
Partout à celui-ci l'on dresse des autels
Et l'on craint sa puissance.
Il a vaincu les dieux qui n'osent plus braver
Ses secrètes blessures;
A sa mère elle-même il a fait éprouver
De cruelles tortures.
Parce que la beauté rayonne sur tes traits,
La candeur, dans ton âme,
Tu crois impunément pouvoir railler ses traits
Et rire de sa flamme...
Ne va pas, dans l'erreur de ton orgueil fatal,
Oublier, ô Myrtile,
Que, bien qu'il soit limpide et brillant, le cristal
N'en est pas moins fragile.
Surtout, de ce berger que, là-bas, j'aperçois
Crains le tendre langage !
Garde-toi d'approcher, si tu veux de ce bois
Sortir heureuse et sage! » —
Elle me répondit: — « Les enfants, les bergers,
N'ont rien que je redoute.
Il faut, pour m'émouvoir, de bien autres dangers?
C'est par là qu'est ma route. »
Et la folle, en riant, salua de l'Amour
L'image dangereuse,
Puis, avec le berger, disparut, au détour
De la vallée ombreuse.
Je vis, le lendemain, dans le bois assombri,
Mainte fleur abattue;
Et j'aperçus, épars sur le gazon flétri,
Des fragments de statue.
Un sylvain indiscret, protecteur de ce lieu,
M'expliqua le mystère ;
Elle avait renversé l'idole, mais le Dieu
Riait de sa colère.
Varia
Poème posté le 26/10/23
par Rickways