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Poésie d'hier / Bon voyage
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Bon voyage
par Jean-Baptiste CLEMENT


I Rondeaux rustiques et grivois, Nés au refrain de la musette, Écrits à l'ombre, dans les bois Où j'ai cueilli la violette, Bon voyage! landerira! Bon voyage! landerirette! En ce grand siècle, mes enfants, Les vers n'étant plus à la mode, Je vous ai gardés bien longtemps Dans le tiroir de ma commode ; Mais ce tiroir, sans doute étroit, Où vous vous plaisiez tant naguère, À ce que dit mon petit doigt, Ne paraît plus vous Satisfaire. Comme d'effrontés polissons, Vous voulez visiter le monde, Faire bondir les pieds mignons, Courtiser la brune et la blonde. Vous voulez qu'au temps des amours, On vous chante sous les tonnelles Et que les galants troubadours Vous soupirent aux demoiselles. C'est, je crois, une folle erreur, Vous croyez à la renommée, Pauvres enfants, nés de mon cœur Et de ma muse bien aimée ; Vous le voulez, tentons le sort De ce tiroir je vous délivre Et signe votre arrêt de mort En vous enterrant dans ce livre. Rondeaux rustiques et grivois, Nés au refrain de la musette, Écrits à l'ombre, dans les bois Où j'ai cueilli la violette, Bon voyage ! landerira ! Bon voyage ! landerirette ! II L'œil en coulisse et lèvres avinées, Allant, trottant, le bonnet de côté, Poing sur la hanche et toutes dépeignées Comme une fille un jour-de liberté, O mes chansons ! vous voilà chez Grégoire, En train déjà de sourire au vin bleu. Le vin est tiré, faut le boire! Chansons à boire, Vous m'oubliez, morbleu ! Eh bien, adieu ! III Bon ! voici la chanson rustique Qui s'en va sans façon. Voir si les gars font la moisson. Bon ! voici la chanson rustique Qui part avec ses gros sabots, Ses chiens, sa charrue et ses faux. Bon ! voici la chanson rustique Qui va revoir ses bœufs, Ses francs et rudes amoureux. Bon ! voici la chanson rustique Qui se sauve dans les vallons Prendre de l'air à pleins poumons. Bon ! voici la chanson rustique Qui s'en va vendanger Et rire un peu chez le berger. Bon voyage, chanson rustique, Bonjour à qui vous recevra, Landerire, landerira ! IV Et quoi ! vous aussi, chansons amoureuses, Vous avez, dit-on, pris la clef des champs ; Ainsi les soupirs de mes nuits fiévreuses, Une femme aimée un soir de printemps, Tout enfin sera su de tout le monde, Vous allez encor citer plus d'un nom ; Que dira Nandine ?... O ma toute blonde, Demande pour moi ma grâce à Ninon ! Vous pouvez partir, mes chères coquettes, Je vous abandonne ; après tout, ma foi ! A votre âge on aime un peu les conquêtes ; Faites-en beaucoup, mais prévenez-moi. V Vivent les ritournelles ; O gué, les villanelles ; O gué, dites-moi donc : Allez-vous aux charmilles Faire danser aux filles Un joyeux rigodon ? N'allez pas aux charmilles Faire danser les filles, Restez encore ici, Non. belles, non parées, Mais non pas déchirées ; Moi, je vous aime ainsi. Non belles, non parées, Mais non pas déchirées, Si vous restez chez nous, Vous n'aurez pas à craindre Des gens payés pour geindre Et mal parler de vous. Vous n'aurez pas à craindre Des gens payés pour geindre, Qui vous déchireront Et vous diront des choses A faner vos teints roses, A m'en blêmir le front. Mais vous voilà parties Comme des étourdies, S'en-sauve qui pourra, Villanelle ou poète. Adieu! landerirette! Adieu! landeriral VI Folles chansons, rondeaux grivois, Chansons à boire et villanelles, Écrits à l'ombre dans les bois, Aux sons des douces ritournelles, Bon voyage! landerira! Bon voyage ! landerirette ! VII Ah ! bon voyage, à vous enfin, Chansons des grands jours de colère, Ou grondent la misère, Le deuil, la tristesse et la faim ! Allez, vaillantes insurgées, Réveiller les cœurs endormis De tant de femmes outragées Et de tant d'hommes trop soumis ! Allez de la ferme à l'usine, De la mansarde aux ateliers, Allez jusqu'au fond de la mine Crier : Debout ! aux ouvriers. Allez et portez à la ronde Ce mot d'ordre à l'humanité ; Et puisse enfin l'égalité Faire bientôt le tour du monde ! Ah ! bon voyage à vous enfin, Chansons des grands jours de colère Où gronde la misère ; Et bon courage aux meurt-de-faim !

Chansons

Poème posté le 27/10/23 par Rickways

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 Poète
Jean-Baptiste CLEMENT



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