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Poésie d'hier / La coupe du roi de Thulé
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La coupe du roi de Thulé
par Louise-Victorine ACKERMANN


Au vieux roi de Thulé sa maîtresse fidèle Avait fait en mourant don d’une coupe d’or, Unique souvenir qu’elle lui laissait d’elle, Cher et dernier trésor. Dans ce vase, présent d’une main adorée, Le pauvre amant dès lors but à chaque festin. La liqueur en passant par la coupe sacrée Prenait un goût divin. Et quand il y portait une lèvre attendrie, Débordant de son cœur et voilant son regard, Une larme humectait la paupière flétrie Du noble et doux vieillard. Il donna tous ses biens, sentant sa fin prochaine, Hormis toi, gage aimé de ses amours éteints ; Mais il n’attendit point que la Mort inhumaine T’arrachât de ses mains. Comme pour emporter une dernière ivresse. Il te vida d’un trait, étouffant ses sanglots, Puis, de son bras tremblant surmontant la faiblesse» Te lança dans les flots. D’un regard déjà trouble il te vit sous les ondes T’enfoncer lentement pour ne plus remonter : C’était tout le passé que dans les eaux profondes Il venait de jeter. Et son cœur, abîmé dans ses regrets suprêmes, Subit sans la sentir l’atteinte du trépas. En sa douleur ses yeux qui s’étaient clos d’eux-mêmes Ne se rouvrirent pas. Coupe des souvenirs, qu’une liqueur brûlante Sous notre lèvre avide emplissait jusqu’au bord, Qu’en nos derniers banquets d’une main défaillante Nous soulevons encor, Vase qui conservais la saveur immortelle De tout ce qui nous fit rêver, souffrir, aimer. L’œil qui t’a vu plonger sous la vague éternelle N’a plus qu’à se fermer.

Premières Poésies, 1871

Poème posté le 08/12/23 par Oxalys


 Poète
Louise-Victorine ACKERMANN



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