Accueil
              
         

Signaler un contenu inaproprié.

Génie
par Amal


Je me souviens le Temps et ses premiers caprices, Les aubes nourricières et les soirs frémissants ; Les bourgeons de rancœur, de fierté, de malice ; Les flocons d’océan et les éclats de champs. Dans l’écrin d’un désert secret, je musardais, Libre, abreuvé de bien-être et d’éternité. En ce temps, je constellais les sols de palais Dorés, de torrents de miel, de grottes cachées… Emmitouflé dans le tendre duvet du monde, J’esquissais des mirages aux reflets dansants, Et dans l’or de mes draps nus, armé d’une fronde, Je jetais, insouciant, des tâches de diamants… A l’aurore, le bonheur m’éveillait. Complices, Nous partions, valsant, emmêlant nos désirs… Et j’exultais, fondant magie et artifices ! – C’est ainsi qu’enfiévré, j’ai dessiné Palmyre… Je flattais des chimères aux tiares brisées ; Fleurissais les dunes de roses ou d’arecs, Et cueillais fièrement, dans les jeunes feuillées, Des palmes. Glorieux, je pourfendais l’échec… J’emmêlais des nappes de sable pailleté, Puis les taillais, de mon souffle zélé : châteaux Et oasis germaient au gré de mes gaietés ! Je volais des soleils et semais des joyaux, Inondant de merveilles des ergs somnolents, Peignant avec passion des empires radieux : Je brodais, enjoué, des miracles latents, Les sultans me louaient, j’étais devenu dieu ! J’ignorais la ruse, les complots et les fables, Candeur et pureté berçaient mes fantaisies : J’offrais des lacs d’argent aux sirènes des sables, Et des perles blondes aux ondes de la nuit ! Un jour, pourtant, lassé, je m’envolai au loin, En quête d’infinis, m’inventer d’autres vies ; Glaner sur mon chemin des destins incertains, Que je modèlerais au gré de mes lubies. Je butinais des îles solitaires, des mers Au regard turquoise, des plages mordorées, Des paradis perdus aux rivages de verre, Où l’Homme, jamais encore, n’avait erré… J’ai éprouvé des terres, des flots et des plaines ; Côtoyé des cités, des campagnes, des cieux ; J’ai goûté aux fracas de l’existence humaine, Aux froufrous des chœurs pieux et des cris amoureux ! J’ai effleuré des envies, enlacé des peines, Transformé des rages ; coudoyé des batailles D’orgueil et de désir, des razzias de haine, Des concerts d’ivresse, des morts de samouraï ; Ravi par les voiles d’armadas d’émotions, Enivré de frissons, de sueur et de peurs, J’ai embrassé des pays, étreint des nations, Roulant dans des ressacs de sons et de couleurs… Des peuples bariolés m’on offert leurs honneurs, Comme je suturais les plaies de leur contrée : Coiffés de plumes, de couronnes ou de fleurs, Tous, humbles et tremblants, m’ont un jour célébré. Dans des cabarets noirs aux flûtes cristallines, Sous des éclairs pourpres qui grimaient mes écailles, J’ai sifflé et dansé, pâmant ma mue câline Dans un manège lent – oh, j’attisais les gouailles ! Tantôt, aussi, drapé dans un manteau de flammes, Je coloriais la nuit, visitant des sommeils, Essayant des songes, essaimant des sésames A l’oreille endormie de chasseurs de merveilles. Des calicots de feu, ornés de mes prodiges, Dansaient follement aux portes des cités. Et inlassablement, je tressais des vertiges, Un trousseau d’horizons pendant à mon côté. Tel, j’emprisonnais des instants d’égarement, De troubles vacillants, de sursauts éperdus ; Je capturais l’émoi, pérennisais le chant Des trompettes, des tambours, des hymnes ténues… Peu à peu, ma sagesse devint remarquable : Je me fis conseiller de monarques fardés. Salomon, Ptolémée… : ces pantins périssables Se hâtaient de rêver pour gagner mes filets. Partout, un halo d’étincelles m’escortait, Et j’éclairais l’univers. Oh ! que de chefs-d’œuvre Magnifiques j’ai peints ! Que de bonheurs j’ai faits ! Que de miracles ! quand je n’étais que couleuvre ! Et parfois je compris les aléas du monde, Et la pensée de l’homme et ses balbutiements, Ses déroutes et ses silences vains, ses rondes De doutes, ses chutes, ses desseins hésitants… J’offrais des joies, des amours… et des délivrances. Je guidais la douleur dans la nuit pétrifiée : Nous grimpions dans le ciel d’ébène en silence, Sur des radeaux de fumerolles égarés, Des lames d’écume, des nuées impavides, Et des ponts de larmes tissés par les étoiles. Nous trébuchions dans la poussière du vide, Le calme des astres drapés de noires toiles... Voyageurs hébétés de langueur, étrangers A cet éther confus et irréel, nous glissions Jusqu’à des cimes de neige obscure et grimée Qui brouillait nos sens. Dans la houle, nous dansions… Alors seulement, je lâchais sa main tranquille, M’envolais promptement, et soufflais avec force Sur les fils, les vagues et les bougies fébriles Qui la portaient encor sur leurs frêles écorces… J’invitais des troubles berceurs à l’emporter, A briser, au plus vite, le frêle manège De ses pas funambules déséquilibrés. Et elle chutait, enfin, égrenant des arpèges… A mon âme enchantée, l’homme a cloué ses maux, Son dédain, sa fierté, ses guerres, ses remords, Et le Temps infini m’est devenu bourreau. Lentement, espérant, j’apprivoise la mort… A présent, je suis las, et la magie se meurt. Terré dans quelque grotte d’un désert immense, Je fuis les hommes, leurs rages et leurs frayeurs, Leurs rêves qui trépignent dans la mare aux sciences…



Poème posté le 13/04/09


 Poète
Amal



Sa carte de visite Cliquez ici pour accéder à la carte de visite de l'artiste (Sa présentation et l'ensemble des ses créations)





.