Ô pruniers en fleur (extraits)
par Ryôkan TAIGU
8
Je nombrais les mois,
c'est celui du renouveau
qui s'en vient déjà,
sans que parmi la plaine
j'aie cueilli les jeunes plantes.
14
En ces monts boisés
j'assemblerai les rondins.
Ainsi la vieillesse
annoncée rencontrera
sur sa route une barrière...
26
Frondaisons pourprées
qui vous êtes effeuillées
dans l'eau du torrent,
laissez au moins vos reflets !
En souvenir de l'automne.
27
Plus d'un, cette nuit,
se passera de sommeil.
Attendant ainsi
que s'élève sur les monts
la lune, pour l'admirer.
30
Ce vent si pur.
Cette lune si limpide.
Une nuit durant,
je ne ferai que danser !
Pour les derniers souvenirs.
46
Au crépuscule,
sur la colline, ces pins,
s'ils étaient des hommes,
c'est du passé qu'auprès d'eux
j'aimerais à m'enquérir.
55
Avoir longue vie,
tel fut certes mon souhait.
Qu'à ce point le monde
finirait par changer,
voilà ce que j'ignorais.
60
Dans l'inconstance
du monde qui est le nôtre,
les faibles humains
ont des conversations
dont la joie pour moi s'efface.
61
Si au commerce
du monde il s'en faut beaucoup
que je me refuse,
n'est-ce pas vivre à part moi
qui fait mon contentement ?
62
"Dedans le miroir
que je gardais à la main,
ce jour d'hui encore,
je me serai regardée.
Une ombre autant qu'un reflet."
69
Ainsi retiré
du monde, ce qu'il m'en semble ?
Dans l'immensité,
la pluie est là pour qu'il pleuve,
le vent est là pour qu'il vente.
71
Quant à mon logis,
s'il me le faut situer,
voici ma réponse:
sur le Céleste Rivage
et à l'orient du Pont.
73
Que puis-je faire
pour être à la Voie du Vrai
pleinement conforme ?
Dans le cours de mille années
ne serait-ce qu'un seul jour.
78
Des choses présentes
il nous faut uniquement
avoir le souci:
point ne revient le passé,
point n'est connu l'avenir.
Extraits du recueil Ô pruniers en fleur de Ryôkan.
Traduit du japonais par Alain-Louis Colas.
Poème posté le 14/04/24
par Assonance