La rose du monde
par William Butler YEATS
The rose of the world
Who dreamed that beauty passes like a dream?
For these red lips, with all their mournful pride,
Mournful that no new wonder may betide,
Troy passed away in one high funeral gleam,
And Usna's children died.
We and the labouring world are passing by:
Amid men's souls, that waver and give place
Like the pale waters in their wintry race,
Under the passing stars, foam of the sky,
Lives on this lonely face.
Bow down, archangels, in your dim abode:
Before you were, or any hearts to beat,
Weary and kind one lingered by His seat;
He made the world to be a grassy road
Before her wandering feet.
La rose du monde
Qui rêva que la beauté passe comme un rêve ?
Pour ces lèvres de feu, dont tout l'orgueil
Est de porter le deuil de la merveille,
Troie a passé, flammes au loin, funéraire,
Et les enfants d'Usna ont succombé.
Nous aussi, et le monde qui peine, nous passons :
Mais là, parmi les âmes qui tournoient
Avant de s'effacer comme les eaux promptes
De l'hiver incolore, là, parmi
Les étoiles qui passent, cette autre écume,
Un visage survit, une solitude.
Inclinez-vous, Archanges, dans vos pénombres !
Avant vous, avant même que cœur ne batte,
Lasse et bonne une femme s'attardait
Près du trône de Dieu ; et Lui,
Il fit de l'univers un grand chemin d'herbe
Pour ses pas vagabonds.
Traducteur : Yves Bonnefoy
in "Quarante cinq poèmes", NRF / Poésie / Gallimard - 1993
Poème posté le 09/10/24
par Jim