On le prétend ringard, désuet, ridicule
On se gausse de lui, le traite avec dédain
On le prend à rebours, on le désarticule
Ah on l'a bien moqué ce vieil alexandrin !
Victor Hugo, Boileau, Corneille, Lamartine
Nous en ont abreuvé à longueur de quatrain
C'était leur étendard sentant la naphtaline
Leur marque de fabrique et leur vrai gagne-pain !
Tant d'années les gamins avec obéissance
Ont du apprendre à dire en modulant leur voix
« Enfin Malherbe vint et le premier en France ...»
Ou « que le son du cor est triste au fond des bois » !
Alors on l'a traité avec grande rudesse
On a cassé sa rime et jeté au panier
Tout ce qui en faisait la force et la justesse
Et on l'a rejeté, le traitant de pompier !
Poète réfléchis, pourquoi cet ostracisme ?
Dois tu suivre la mode et jeter le bambin
Pour te faire bien voir, par simple conformisme
Dans le ruisseau boueux avec l'eau de son bain ?
Chante donc avec lui et vois comme il est libre
Comme il sait respirer et comme il sonne bien
Ce chef d'oeuvre de grâce et de fier équilibre
Ce joyau méprisé, ce vieil alexandrin !