Le visage rongé par la mer
par Dago
J'avais quitté jadis Arelate la belle
Aux bords de Rhodanos aux portes de la mer
Je m'en souviens très bien, comme si c'était hier
Ma galère sombra j'ai coulé avec elle.
Vingt siècles j'ai dormi dans les sables mouvants
J'ai connu les tiédeurs de l'été, les froidures
Le grouillement furtif et visqueux des silures
Et le vortex puissant des flux et des courants.
Le sel et le baiser acide des cliones
Ont lentement rongé le marbre de ma peau
Mon corps a disparu dans le brouillard de l'eau
Je ne suis qu'un regard que la vie abandonne.
Les siècles ont passé et pendant mon sommeil
Le Rhône m'a bercé de ses chants de silence
Puis je suis revenu sous le ciel de Provence
Pour trouver inchangés le ciel et le soleil.
J'ai trouvé ma cité plus belle plus prospère
Mais l'Empire n'est plus, il n'est plus d'Empereurs
J'ai découvert l'odeur et le bruit des moteurs
Des costumes nouveaux, une langue étrangère
Je ne suis plus pour vous qu'un vestige lointain
Que viennent contempler les enfants des écoles
Un témoin du passé, peut-être le symbole
Du Temps qui passe et fuit vers un but incertain.
Sur une tête de statue repêchée dans le Golfe de Fos et exposée au Musée d'Archéologie d'Arles. Les cliones sont des éponges marines perforant le calcaire
Poème posté le 21/02/10