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Printemps
par Lasource


Dédié à A.M.L. De Prat de L. J’irai, par ces matins dont l’ombre sous les chênes Semble ouvrir des étangs noirs comme des tombeaux, Du haut de la montagne, contempler la plaine Quand sur les sillons bleus s’abattent les corbeaux. Là-bas est la rivière, un méandre miroite Sous le saule où s’ennuie au milieu des roseaux La barque verte et grise à la banquette étroite D’où je guettais, enfant, l’alphabet des oiseaux. Les cols-verts en premier, par grands V dans l’espace, Fatigués d’un long vol, s’abattaient sur les eaux. Sans s’arrêter, les Z de bien d’autres espèces De voiliers passaient haut, en déformants réseaux. Autour de moi, des clapotis de toutes sortes Trahissaient le labeur de furtifs animaux. La beauté n’avait pas cet air de feuille morte Par le temps délaissée au fond d’un caniveau. A midi, le soleil venait cueillir sur l’herbe, Sur le dos des moutons ou sur le front des veaux, Les éclats dispersés de sa gloire superbe Comme un poète vient la cueillir dans les mots. Entre les cornes d‘une grande vache brune Il posait quelquefois son aveuglant flambeau. A l’heure du couchant, devant la pleine lune, Il allumait un ultime essaim d’étourneaux. Pèlerin du vieux temps, je veux briser les chaînes D’un présent qui me tient captif de son étau. J’irai revoir l’endroit où l’ombre sous les chênes Garde mes souvenirs au frais, sur le coteau. Qu’importe si les jours ont aggravé mes rides Et si le temps n’a pas la forme d’un anneau. Si pour les illusions, j’ai les regards lucides De ceux pour qui nul dieu n’est sorti du tombeau. J’irai revoir l’endroit où je voyais ma mère Cueillir des fleurs des champs, pour en faire de beaux Bouquets qui emplissaient la maison de lumière, Nous donnant l’impression d’habiter un château ! J’irai par les sentiers pensifs qu’aimait mon père, Qui m’apprenait le nom des fleurs, des arbrisseaux. Je sens sa grande main serrer comme naguère La mienne ainsi qu’un lion qui guide un lionceau ! Il est vrai : je suis vieux… Foin des regrets futiles ! J’irai le cœur léger, comme enfant de nouveau, Et je retrouverai la mémoire subtile Qui sait mettre en échec l’angoisse du caveau. Traversant lentement cette verte campagne Semée ici et là du rouge d’un hameau, Je monterai jusqu’au sommet de la montagne Et je m’y assiérai pour jouer du pipeau. J’observerai, plus bas, l’attente des rapaces Qui dessinent dans l’air d’invisibles cerceaux. Au soir, je descendrai en empruntant les traces Qu’en errant sur l’alpage impriment les troupeaux. L’esprit serein, je rentrerai au domicile L’oreille emplie encore par les chants des ruisseaux : Leur rythme en recouvrant les rumeurs de la ville M’aura dicté ces vers sur un coin de bureau.



Poème posté le 08/03/10


 Poète
Lasource



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