Pied noir
par Zitoun
J'ai traversé la mer, l'âme en peine. Frontière...
Mais j'emporte avec moi six raisons d'être fière.
Je t'aime Alger la Blanche, et pourtant je te fuis,
Des années de soleil et j'entre dans la nuit.
Quand l'hexagone nous regarde de travers
Marseille nous accueille, plutôt elle nous tolère.
Sans la voix de Pagnol, lavande ou farigoule
J'étais sale française, ici je suis bougnoule.
Je t'aime Alger la blanche et je t'ai tout laissé.
L'histoire de ma vie, richesses du passé.
Les plages, les orangers, les hauteurs d'El Biar
M'ont volé un bout d'âme depuis ce départ.
La larme étincelle au souvenir du quartier
Bab El Oued au soleil, l'ombre des amandiers...
Je marche tête haute, devant les "vrais françois"
Mes pieds noirs se souillent de leurs pavés froids.
Au sourire Maltais j'ai accroché mon bras
Je t'aime Alger la blanche, mais je ne reviens pas.
Je n'ai qu'une valise et six bouches à nourrir
Mais tu m'as menacée, j'ai vu des gens mourir
Nous avons regardé droit devant, sans ciller
Même s'il nous est impossible d'oublier
A bout de force, à bouts de bras, mais bien debouts
La vie sera belle, ici aussi, coût que coût
Six raisons, il y en aura sept, d'être fière
D'aimer, de se battre, de chasser la misère
Gaouris, judis et bicots se retrouvent
Dans des tristes banlieues et pourtant ils éprouvent
La joie de recréer l'ambiance des ruelles
De cette Alger de paix, d'entente qui est celle
D'arabes, d'espagnols ou encore d'italiens
De français, de juifs, musulmans ou chrétiens
Un fatras plus que l'Europe, européen
Enorgueilli d'accents méditerranéens
Des marchés aux épices, mélanges des origines
On rit franc et fort sous les odeurs des tagines.
Je t'aime Alger la blanche, ta poussière blonde
L'olive ensoleillée , les rives de l'Ouādī
Je sais que je ne reverrai pas l'Algérie
Mais je ferme les yeux, les images m'inondent.
Poème posté le 18/12/15