Vision nocturne
par Luke
Par un soir d’interlune, le regard perdu au large
Enveloppé d’une puissante et chaude harmonie
De vent, de ressac, et du lamento
De quelque sirène ou de pelagiques âmes
Remontées des abîmes,
Je vis un point rubescent enveloppé d’une blanche lueur.
Cet étrange équipage semblait flotter dans l’air ou glisser sur l’eau noire,
En s’approchant de mon rivage.
Peu à peu je distinguais une robe de lumière,
Portant à la ceinture un bouquet flamboyant d’amarantes.
Puis son visage m’apparut, beau comme rien de connu.
Elle avait le teint cuivré des Zingaris de Bohème,
Ses yeux étincelaient de douleur.
Elle portait comme une corbeille sur la tête.
La canéphore s’adressa à moi en ces mots :
Toi qui entends les chants de l’océan et qui réveille ses souvenirs,
Plonge la main dans ce panier et tu connaîtras la vérité.
Comme j’hésitais, son regard traversa le mien à le brûler.
J’étais aveugle.
Elle me dit alors : la vue ne sert à rien à la plupart des hommes,
Elle est un paradoxe qui les empêche de voir.
Je t’offre de tout comprendre, de sorte que la cécité te paraîtra dérisoire.
Cédant à la tentation j’avançais la main.
Une chaleur m’envahit tandis que je retrouvais instantanément la vue,
Elle souriait maintenant, et la douleur avait laissé place à la paix.
Je sus que la clé était en elle, il suffisait de regarder plus loin, à l’intérieur.
Au fur et à mesure que mon âme plongeait dans la sienne,
Je découvrais les réponses à toutes questions, comme des évidences,
La vertigineuse spirale et l’avidité de connaissances me fît oublier jusqu’au bout,
Ce qui devenait la dernière énigme à résoudre : pourquoi me faisait elle cette faveur ?
Et ce fût la dernière réponse qui me manquait à cet instant. Elle me dit :
J’ai fait mon temps comme gardienne de toutes vérités,
Il est temps pour moi de partir vers une des dimensions que tu sais.
Tu seras dorénavant le gardien pour le temps que tu sais aussi maintenant.
Et lorsque ce temps sera venu tu guetteras sur le récif,
Et tu capteras l’âme de celle qui regardera vers le large,
Et qui distinguera du bruit des vagues, le lamento venu des abîmes.
Poème posté le 06/10/10