Je vous porterai toujours à l'aile de mes chevilles
par Vespertilion
par Vespertilion
La nuit accroche encore son écharpe aux piémonts
Quand les ciseaux du jour découpent haut l’horizon
Sur les Aiguilles d’Ouest s’empreint la lèvre pourpre
C’est l’heure de m’encourir pour tutoyer le ciel
Je dénoue les lacets d’un chemin muletier
Entre les hauts piliers de mélèzes et d’arolles
Glisse la robe de brume de l’aube aux jambes nues
Le sanglot d’un torrent s’avive dans la combe
J’allège chaque foulée et je retiens mon souffle
La lyre d’un tétras transverse l’orgue des rayons
Une harde de bouquetins broute les myrtilliers
Je respire l’air sauvage et je deviens naseaux
Un lys martagon m’offre son baiser rose
J’étanche à sa corolle ma succulente soif
Le pas vif de mon cœur surplombe la forêt
Le balcon de l’alpage s’ouvre sur pierre nue
L’horizon s’est frangé de hauts rangs de dentelle
Sept vallées ont bleuit au compas de mon oeil
Mais je reviens ici aux veines mêmes du roc
Où les griffes du glacier viennent racler leurs crocs
Sous son pelage d’ours sale, il couve un feu d’opale
Il roule son cœur brûlé dans les bris de séracs
Jusqu’au chaos rupestre d’abrasions vomies
Une paupière de moraine s’ouvre sur l’azur d’un lac
Il me reste à gravir l’ubac d’un glacis sombre
Où signe l’edelweiss sous la grêle du vent
Et ces combes de neige ignorées du soleil
Dans les cris perçants d’une marmotte aux aguets
.../...
Des sabots de chamois martèlent la paroi
Leur robe fauve se fond aux arêtes de granite
Tout un troupeau déboule sur une étroite vire
L’instant me les ravit à la croupe d’un surplomb
Le sentier vient se perdre au bout de la pierraille
A chaque tête de roche se mâchoire un filon
La montagne offre ici les joyaux de ses macles
Mes doigts s’y écorchent et mon sang est grenat
Je passe le dernier cairn et quitte le cône d’ombre
Je gagne la haute route qui trace par le col
La pierre a disparu sous la neige pérenne
Je monte le névé où la lumière est reine
.../...
La pente se durcit, chaque pas coûte à mon cœur
Je peux calmer mon sang et renouer mon souffle
Je peux lâcher ici le lest de mes querelles
Mon âme a-t-elle masse d’un grain d’argile au vent ?
Le col s’est allongé sur les cristaux d’un cirque
Chaque aiguille de granite rutile au Grand Bleu
Mes pas suivent l’empreinte ouverte d’une cordée
Et je me pose enfin aux Prémisses du Ciel…
Dômes de la Vanoise, Dentelles du Haut-Valais
Aiguilles de Chamonix, Mont Blanc, Mont Rose
Feu natif qui couve aux flancs des Virungas
Et la plus haute vague de l’océan Pamir
Je vous porterai toujours à l’aile de mes chevilles !
En souvenirs d'heures vives à user mes souliers sur les pierres à travers la Vanoise, le Haut Valais, Chamonix mais aussi la chaîne des volcans Virungas( Congo - Afrique de l'Est)et au Pamir (Tadjikistan)...
Poème posté le 03/01/11