Hélas ils n’avaient pas déposé de brevet !
par Rimatouvent
Caroline-Marie était une auvergnate
Vivant dans un quartier de la faune bougnate
Qui se livrait paisible à ses labeurs divers :
Les cafés en tout temps, le charbon en hiver.
Ayant grandi sur place on la trouvait plaisante
Les jeunes gens du crû la voyaient séduisante
On l’appelait Cama mais elle ne parlait pas
La mutité totale était son seul tracas.
Elle dessinait donc se servant d’un crayon
Expliquant clairement chaque situation,
On gardait ses croquis elle avait du talent
Son trait était précis et son art excellent.
Elle vit un beau jour un jeune plombier-zingueur
Qui descendant des toits sentit battre son cœur
Et lui, qui parlait mal, préféra lui écrire
Des choses merveilleuses qu’elle était seule à lire.
On le nommait Fouchtra, d’Auvergne il provenait,
Or il était charmant et son temps se passait
À courtiser la belle en vue des épousailles
Qui se firent au pays juste après les semailles.
La jeunesse, on le sait imagine, et pratique
La tendresse amoureuse simple et systématique
Mais ces deux tourtereaux férus de gourmandises
Découvrirent de leurs corps toutes les friandises.
Cama ne pouvant pas raconter ses ardeurs
En faisait des dessins décrivant ses bonheurs
Et Fouchtra écrivait en termes mesurés,
Des passions du corps, les désirs rassurés.
Un touriste étranger, au café, un matin
Chez un bougnat du coin vit un petit dessin
Se disant marchand d’art il photographia
Pour une poignée de sous les croquis de Cama.
L’indien qui s’en venait du Pendjab ou d’ailleurs
Emporta les dessins les fit mettre en couleurs
Et dessous ajouta l’adapté commentaire
De Fouchtra expliquant maintes façons de plaire.
Et le Cama-Fouchtra copié lâchement
Au bord du Gange alla enseigner l’agrément
De la diversité pratiquée en accord
Quand le désir du cœur devient la joie du corps.
Puis le livre revint en Europe et ailleurs
Dévoilant des indiens les talents copieurs
Le scandale fut grand car on exagéra
Inventant des façons inconnues de Cama.
Puis l’on fit le silence. Quelques sectes secrètes
Tiraient un grand profit des images discrètes
On dit que les kinés, après maints exercices,
Redressaient des coincés en poses tentatrices.
Mais le Cama-Fouchtra par l’Auvergne perdu
Se vend encore un peu à quelques assidus
Qui ne cherchant à plaire avec intelligence
Se fracturent ou se luxent en pleine exubérance.
Bref on ne pouvait pas entrer en guerre pour ça
On se mit à relire Baffo, Casanova.
Cama aima Fouchtra et réciproquement
Sans toujours compliquer le tendre enchantement.