Macarons
par Aodren
Je les avais couchés sur une feuille fine,
Si légère que l’air chaud faisait frétiller
Ses quatre coins, au point de croire à l’envolée
Du fruit de mon labeur en miettes incarnadines.
Je les observais comme le lait frémissant…
A travers la paroi, ils étaient disposés
En quinconce précis, somme toute effrayant !
Ne manquait que le chant claironnant des armées…
Puis, peu à peu montaient, s’élevant de concert
Et le rose fringant en devenait plus clair
J’avais été alors plutôt bien inspiré
En forçant sur le trait des couleurs diluées
D’élégance rare, ils prônaient leurs collerettes,
Ce qui sonnait le glas de mon attente pieuse.
Et je voyais déjà les futures courbettes
De mes enfants indignes aux papilles douteuses.
J’hésitai un instant…Qu’allais-je faire ici ?
Après tout, n’est-ce pas donner à des cochons
La confiture exquise que ces macarons
Sacrifiés sur l’autel de leur impéritie ?
Moi, vivant il est dit qu’aucune bouche ingrate
Ne viendrait engloutir la quintessence même
De l’art culinaire, des saveurs délicates
Dont l’histoire se conte comme un doux poème.
Face au mur, je ruminais mon indignation
Bercé par les effluves, les vapeurs de vie
Quand je sentis soudain dans mon dos l’ennemi
Lancer son offensive contre mon bastion.
A peine retourné, une vision d’horreur,
Figea de son silence le flagrant délit
Trois de mes macarons avaient déjà péri
Et je crus bien entendre défaillir mon cœur.
Poignardé par le fruit de mes propres entrailles
Je ne pus que conclure à ma propre impuissance
Devant l’incarnation -intraitable jouvence- ,
Du mal au doux visage qui connait mes failles.
Car je ne pus, bien sûr, m’empêcher de sourire
A leurs brins de malice et à leurs yeux brillants
La cuisine du cœur appartient aux enfants
Et à ceux qui le restent quand le temps soupire.
Poème posté le 30/04/13