Papier, une ombre blanche opposée à la nuit
par Rechab
Je suis loin du pays de la connaissance.
Il est de l’autre côté du continent,
dont j’ai perdu, quelque part,
le fil : un sentier qui pourrait m’y conduire .
Certains parlent ainsi d’inspiration …
Il y a le jour.
Mais celui-ci est caché derrière la terre.
Une moitié est soumise à l’épreuve de l’ombre.
Comme un poumon qui se relâche,
– ce serait plutôt expiration…
Ce qui est , demeure ; – bien entendu – ,
mais tout est indistinct .
Je ne saurais pas reconnaître les arbres entre eux,
sans voir leur feuillage, et le port des branches :
Il faudrait que je tâte leurs troncs,
que je colle mon oreille sur l’écorce pour écouter leur message.
Et chacun me murmure une chose différente ,
une histoire soumise à l’épreuve des saisons,
du bois qui se tend, gémit sous le vent,
se rompt parfois sous le poids de la neige,
résiste comme il le peut aux tempêtes
et à la morsure des flammes .
Ils ont été la patience , ont abandonné
des parties de corps aux tronçonneuses,
pansé malgré tout leurs blessures,
et développé leurs cernes,
Jusqu’à digérer les barbelés,
et infiltrer leurs racines entre les fissures des rochers,
jusqu’à se nourrir des charniers
pour les ressusciter en âmes végétales.
Je vais me réfugier parmi eux.
J’enduirai mon corps de leur sève
et danserai dans leur chanson.
Ils me prêtent déjà, pour écrire,
le papier qui est leur ombre portée,
une ombre blanche, opposée à la nuit ,
et mon écriture pourra peut-être,
avec le récit retrouvé,
refaire naître d’une certaine façon,
le jour.
–
RC – avr 2016
paru sur https://ecritscrisdotcom.wordpress.com/2016/09/07/papier-une-ombre-blanche-opposee-a-la-nuit-rc/
Poème posté le 26/09/17