Le sang des pierres
par Hurlevent
Désormais les aubes semblent incertaines
Nos épaules baignées d’ondes brunes
Que les vents lourds ont jeté en longue traine
A l’orée des jours acaules et des landes de brume
Désormais nos muscles de paille ploient
Puisse quelqu’un nous veuille dire
Pourquoi ces temps aux ongles froids
D’étés en étés nos plus beaux rêves déchirent
Je vois le sang des pierres
Au-delà des regards et des frontières
Puisse les mots d’amour ne fondre sur cette neige lointaine
O combien je la chérie cette souveraine
Cette parole fêlée et orpheline
Toute tremblante dans ces voix d’armeline
J'espère tant de ses savoirs
Que ses mains lèvent ces rideaux de nuit
Qu’ainsi la lune froide du poignard
Traverse nos rêves et nos espoirs sans bruit
Puisse quelqu’un ne veuille taire
Ce que l‘on ignore encore, peut-être à jamais
Qui de ces forces enlacées, du glais
Ou de la rose gagnera la guerre
Qui a laissé au bord de l’horizon cette charrue rouillée ?
Le soc de soleil planté dans le sillon inachevé
Deux sarments musclés et une odeur de corps
Certains matins l’habitent encore
Je vois l’aile lasse de la colombe blessée
Battre en vain dans les abats jour d’acier
Je vois des champs glaciaires à gueule d’ours
Ces taches de lièvres fuyant dans l’oeil des sources
De quel mystérieux pays sont-elles
Ces averses aux coupantes ailes ?
Dans les halliers de sang et de flammes
Qu’elles demeurent jusqu’à la fin de nos larmes
Que l’aigle d’une gorge déploie son envergure
Qu’il étende de nouvelles verdures
Sur nos pas perdus et nos fronts ombrés
Et qu’enfin l’alouette s’endorme
Au creux de nos paupières gelées
Nos pieds flottant dans l’air élevé de l’orme
Puisse quelqu’un nous être obligeant
Dire à nous qui fumons en silence
Notre dernière cigarette de sang
Qu’y a-t-il derrière cette porte immense ?
Qu’y a-t-il dans cette lagune inconnue ?
Valait-il de sarcler tous ces matins herbeux
Ciselés d’effroi ou de soleils repus
Valait-il de vivre et d’être heureux ?
Poème posté le 08/10/17