Tu n'as pas pris le bus de onze heures dix-sept
Tu n'as pas poussé la porte du café Lucette
Tu n'as pas voulu noyer ton chagrin du matin
Tu ne t'es pas confessé au cul de la bouteille vide
Tu n'es pas enfui comme un escroc démasqué
Tu n'as pas querellé l'irascible vérité
Tu n'étais plus ce coeur solide au sourire enjôleur
Tu ne sentais plus son parfum ni le sel de ses pleurs
Tu ignorais jusqu'aux regards apitoyés des passants
Tu as tracé droit devant toi comme un ragot blessé
Tes jambes n'obéissaient plus qu'à un coupable bouillonnement
Tu n'es pas allé au pont agité de sombres pensées
Tu n'as pas pesé le geste entre courage et lâcheté
Tu n'as pas imaginé le réconfort de ses regrets
Tu n'as pas posé en héros dramatique passionné
Tu n'as pas répondu à sa colère à ses coups
Tu n'as pas même concédé l'aveu d'une émotion
Tu l'as laissée partir puis
Tu as simplement donné un tour de clé
Et, le visage habillé d'un sourire irréel,
Tu as tourné la page trois cent dix-sept,
Tu oubliais déjà, lecteur indolent, les chapitres passés