L'un
Enfin ! Écartez-vous ! Vous me faites de l'ombre !
Voyez dans quel courroux chacun de nous deux sombre !
L'autre
Je vous le dis, Monsieur, que vous exagérez !
De quel droit pensez-vous que je vous cèderai ?
L'un
Mais je suis ! et cela, Monsieur, devrait suffire,
Pour que vous me laissiez sans que j'aie autre à dire !
L'autre
Mais vous êtes, c'est sûr, plus ruffian que passant,
Et votre identité ne coule dans mon sang !
L'un
Il est sûr, en effet, que nous n'avons têté
De lait à même mamme ! Oh ! le sale entêté !
L'autre
Vous n'êtes qu'un goret, et sans doute la truie
Qui ci-bas vous mit bas renie qui la détruit !
L'un
Cuistre ! Sachez que mon éducation refuse
Que contre vos éclats de mon talent j'abuse !
L'autre
Talent ! me dites-vous ! mais d'autres n'en avez
Que de rester ici planté comme un navet !
L'un
J'honore le légume qui montre racine,
Car jamais il ne cache sa noble origine !
L'autre
Je reconnais en vous le terrien besogneux,
Qu'outre enfoncer son groin jamais ne fera mieux !
L'un
Vous ne tiendrez pas compte de mon bel état ?
Je doute qu'à savoir cela vous épata !
L'autre
Dites donc, mon beau sire, à quel lustre brilla
Cet éclair de génie qui ternit votre éclat ?
L'un
Mais par mes titres ! mes fonctions ! je suis ! j'existe !
Cela suffit pour que je règne sur la piste !
L'autre
Sont-ce donc vos mollets de baroudeur cycliste
Qui vous rendent si fin et subtil analyste ?
L'un
Décidément, vous ne respectez rien, barbare !
Du haut de mon perchoir, je martèle mon art !
L'autre
...Oratoire sans doutes ? Jouir quand je blesse,
- Ah mon plaisir ! - pourvu que je tienne la laisse !
L'un
Sachez que votre doute est pour moi une injure !
Pour cela je pourrais vous mener la vie dure.
L'autre
Ah le pauvre d'esprit qui appelle à rescousse
Sa sociale fonction à la moindre secousse !
L'un
Sachez qu'en d'autres temps, j'aurais fixé au pré
Une heure afin de vous coucher sous les cyprès !
L'autre
N'ayez donc de regrets, jouons comme en ces temps,
Et sachez dès ce jour d'hui que je vous attends
L'un
Sans doutes croyez-vous que je n'oserai pas
Aux mots joindre le geste envoyant à trépas ?
L'autre
Je constate, mon bon, qu'à vous ouïr je me lasse,
Tandis qu'espérez, las ! ma patience trépasse ?
L'un
Profitez que j'ai d'autres devoirs qui m'appellent
Pour que, sans nul honneur, vous vous fassiez la belle !
L'autre
Nous y voilà ! Telle grandeur d'âme soudain
Préserve des salons la perte d'un mondain !
L'un
Cela sera, manant ! puisque vous le voulez !
Et dès ce soir, vous affronterez... mon valet !
L'autre
Ah beau républicain, vide de particule,
Qui plus n'a de cervelle que de testicules !
L'un
Je m'en voudrais de n'exaucer tous vos désirs !
Votre arme ! que dès ce soir votre morgue expire !
L'autre
Mon arme vise au cœur, ignore vos empires ;
Mon arme, devant vous, toujours sera le rire.