C'était une fille intemporelle, légèrement décalée ,
Une fille de partout, ni objet ni poupée,
Qui traînait son ennui comme on traîne un poids mort,
Qui adorait la nuit et vivait au dehors,
Ne se refusant pas d'étaler au grand jour
La diversité de ses nombreuses amours.
C'était une fille facile, pour qui la jugeait vite,
Parce qu'elle répondait promptement aux invites
De ses nombreux amants, mais qu'on se garde
Ici d'établir un verdict et qu'on ne bavarde
Ni ne ragote sur elle ! Car cette fille intemporelle,
Moi qui l'ai bien connue, moi qui sais presque tout d'elle :
Je puis dire sans détours que c'était un diamant
Une opale, un rubis, un cristal, un brillant.
Qui la tenait dans ses bras ne pouvait s'en déprendre,
Une fille de joie, certes, mais avec un coeur tendre
Qui riait et pleurait comme pluie et soleil
Aussi belle le soir qu'au matin au réveil !
Sa longue chevelure s'enroulait à mon cou,
Son corps autour du mien comme un tendre bambou,
Et moi pendant ce temps sur ses beaux cheveux roux
Déposais mes baisers et mes rêves trop fous,
La priant de rester sous mon toit juste un peu,
Lui jurant qu'elle et moi, on pourrait vivre heureux.
Mais la belle volage ne prit garde à mes cris,
Bien vite me quitta pour rejoindre d'autres lits,
La pendule tintait je ne l'entendais pas,
Au lieu de me lever je remontais les draps,
Je n'avais plus de goût, ma vie était finie,
Les heures passeraient et avec elles l'envie.
Comment donc expliquer à cette noctambule
Que disparue à jamais la si jolie pendule
Qui réglait nos amours vibrerait désormais
Non plus pour égrener une à une les heures
De ce qui fut pour nous notre défunt bonheur
Mais pour sonner ma mort et le glas des regrets
De celui qui aima cette nymphe vénale
Décalée, irréelle, cette grâce vestale,
Cette fille éternelle, cette femme infidèle,
Mais si belle, pourtant, Oh ! mais pourtant si belle
Et que j'appelais "mon intemporelle".