À Lampaul-Plouarzel, dans l'aube tristounette,
une lampe s’allume au-dessus du Sporting,
dans le lointain ronronne une motocyclette,
un chat, sans se presser, traverse le parking.
L’airain tinte au clocher, le village s’éveille.
Devant le presbytère, un cabriolet noir,
une portière ouverte, intrigue deux corneilles
qui perchaient pour la nuit sur le vieil urinoir.
Un corps de femme gît auprès de la bagnole,
attisant le désir des safres corvidés.
Le plus hardi, déjà, becquette une guibolle.
L’autre vise la tête, il semble décidé.
Les cheveux de la dame ont un reflet de cuivre...
Patience lecteur, c’est une histoire à suivre.
Ce message a été édité - le 22-01-2022 à 06:08 par Pierrelamy
Négligeant l’urinoir, un rude matelot,
près du mur de l’église a sorti sa guenille.
Il se marre tout seul et dirige son flot
prostatique et cruel droit sur une chenille.
Soulagé, le voici se pressant au troquet,
(à Lampaul-Plouarzel, il est si doux de vivre)
et découvrant surpris la femme aux cheveux cuivre.
— Putain ! déplore-t-il, n’en croyant ses quinquets.
Il se rue au Sporting, saisit le bigophone :
—Marcel, un muscadet. Motus les gars, ça sonne !
— Gendarmerie écoute... — Ils sont là. J’ai du bol.
–— Qui est au bout du fil ? — C’est moi, Le Goff Arséne,
ancien de la Royale et pêcheur à la traine,
je voudrais signaler un cadavre à Lampaul.
Ce message a été édité - le 22-01-2022 à 06:09 par Pierrelamy
Truculent n'essayez pas de faire la même chose contre le mur d'une mosquée, on lui couperait le bout qui lui reste
subtile utilisation de quinquets pour les yeux,dommage ce pluriel... sinon synonyme aussi de lanterne.
— Putain ! déplore-t-il, s'éclairant d'un quinquet
Si je puis me permettre, en passant : l'usage de "quinquets" dans la version initiale du poème n'est pas inapproprié et ajoute même du piment à l'histoire.
Voir quinquet dans Cntrl.
Il se rêve en shérif ou en chasseur de prime
et brûle d’arrêter son premier assassin,
dans cette thébaïde, il espérait un crime :
l’adjudant-chef jubile et sonne le tocsin.
— Rangez les mots fléchés, éteignez la téloche
cessez de massacrer ce pauvre punching-ball,
coiffez votre képi, l’heure de gloire est proche,
à cheval les cow-boys et route sur Lampaul !
Sur les chapeaux de roue, le fourgon des pandores
a rejoint le parking . La rousse y gît encore.
— Mais c’est notre Fernande ! intervient un gros type.
À Recouvrance, ell’ tient un bar à matelots.
On y va pour son rhum mais aussi pour ses pipes.
"Fanny de Laninon", c’est le nom du bistrot.
Pour un petit blanc sec et de frais commentaires,
la foule peu à peu déserte le parking.
Un vrai meurtre à Lampaul, c’est bon pour les affaires
jubile intimement le patron du Sporting.
De nombreux Lampaulais ont connu la Fernande (bibliquement s’entend) : — Avec un tel prénom,
c’est fou ce qu’elle avait dans le cerveau, la grande,
pour nommer son troquet Fanny de Laninon
– Œuvre de Mac-Orlan, précise Philaminte,
la belle et pétulante institutrice adjointe.
—Vif ou lent, j’ignorais qu’elle eût un maquereau,
calemboure un gros beauf à la verve saignante.
— Vous ne respectez rien ! s’indigne l’enseignante,
cependant qu’au-dehors s’activent les perdreaux.