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Auteurs Messages

Jim
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Messages : 3952


Posté à 10h35 le 20 Jun 22

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(…)

CHEVRIER
(...)
Après eux est ouvré un pêcheur, un vieillard, et un rocher
Désolé, où le vieux se presse de tirer un grand filet,
Avant de le jeter. Il ressemble à un homme qui peine puissamment.
Tu dirais qu'il met à pêcher tout ce qu'il a de force dans les membres :
Vois comme ses tendons se gonflent partout sur la nuque !
Il a beau avoir les cheveux blancs, sa force vaut la jeunesse.
Mais tout près du vieillard torréfié par la mer,
Une vigne est chargée de grappes sombres,
Un enfant la garde, assis rêvant
Sur un muret de pierres sèches. Autour de lui deux renards : l'un dans les vignes
Se promène et pille le raisin mûr, l'autre lorgne la besace
En tramant mille ruses, se jurant qu'il ne lâchera pas
Le petit avant d'avoir mis à sec son déjeuner.
Mais lui, il tresse un beau piège à sauterelles, en ajustant
A des tiges de joncs des tiges d'asphodèle, et il n'a nul souci de sa besace
Ni du raisin, tant le tressage lui donne de joie.
Et tout autour de la coupe se déploie la flexible acanthe
Étincelante vision ! Prodige à te frapper le cœur !
En échange j'ai donné à un batelier de Calymnos une chèvre
Et un énorme fromage de lait blanc.
Jamais encore il n'a touché ma lèvre, il est
Vierge. A toi de tout mon cœur je l'offrirai,
Pourvu que toi, en ami, tu me chantes la mélodie de mon désir.
Et je ne me moque pas – oh ami lance-toi ! Car la chanson,
Pas moyen qu'elle t'accompagne chez Hadès, qui fait tout oublier.

THYRSIS.
Commencez la bucolique, Muses, amies, commencez le chant.
Voici Thyrsis de l'Etna, voici la chanson de Thyrsis.

Où étiez-vous lorsque Daphnis se consumait, où donc Nymphes ?
Est-ce dans les vallées du Pénée ou sur le Pinde ?
Car vous n'aviez pas pour demeure le flot puissant de l'Anapos,
Ni le sommet de l'Etna, ni l'eau sacrée d'Acis.

Commencez la bucolique, Muses, amies, commencez le chant.

Lui les chacals, lui les loups le pleurèrent,
Lui le lion même, venu des profondeurs du bois, versa des larmes sur sa mort.

Commencez la bucolique, Muses, amies, commencez le chant.

Nombreux les bœufs à ses pieds, nombreux les taureaux,
Nombreux encore les vaches, les veaux, qui pleurèrent.

Commencez la bucolique, Muses, amies, commencez le chant.

Vint Hermès, le premier, de la montagne, et il dit : « Daphnis,
Qui te fait mourir ? Qui donc, oh mon ami, est-ce que tu désires ? »

Commencez la bucolique, Muses, amies, commencez le chant.

Vinrent les bouviers, les bergers, vinrent les chevriers.
Tous demandaient de quel mal il souffrait. Vint Priape
Et il dit : « Daphnis, malheureux, pourquoi te consumer ? La fille,
Ses pieds l'emportent par toutes les sources et toutes les forêts,

Commencez la bucolique, Muses, amies, commencez le chant,

Et elle te cherche ! Ah, tu ne connais rien au Désir ! Tu es impossible.
On t'appelait « le bouvier », mais c'est à un chevrier que tu ressembles :
Le chevrier, quand il voit ses chèvres se faire monter dessus,
Les yeux le brûlent de n'être pas né bouc.

Commencez la bucolique, Muses, amies, commencez le chant.

Et toi, quand tu vois les filles, comme elles rient,
Les yeux te brûlent de ne pas entrer dans leur ronde. »
A eux, cependant, le bouvier ne dit rien. Mais son amer
Désir, il l'accomplit, et l'accomplit jusqu'au terme de son destin.

Commencez la bucolique, Muses, recommencez le chant.

Enfin parut Aphrodite, elle riait de joie,
En secret elle riait, tout en faisant paraître une colère terrible,
Et elle dit : « Toi, Daphnis, tu t'étais promis de terrasser le Désir.
N'est-ce as toi, maintenant, que le Désir douloureux a terrassé ? »

Commencez la bucolique, Muses, recommencez le chant.

Alors Daphnis lui répondit : « Terrible Aphrodite,
Aphrodite vengeresse, Aphrodite haï des mortels,
Tu crois donc que tous mes soleils se sont couchés ?
Daphnis, même chez Hadès, sera la douleur de Désir. »

Commencez la bucolique, Muses, recommencez le chant.

Va-t'en sur l'Ida, où le bouvier, dit-on, avec Aphrodite -
Va-t'en voir Anchise. Là sont les chênes et le souchet,
Là le beau bourdonnement des abeilles près des ruches.

Commencez la bucolique, Muses, recommencez le chant.

Adonis aussi resplendit, ben qu'il garde des moutons,
Chasse les lièvres et course les bêtes sauvages.

Commencez la bucolique, Muses, recommencez le chant.

Retourne combattre Diomède
Et dis : « J'ai vaincu Daphnis le bouvier, en garde ! »

Commencez la bucolique, Muses, recommencez le chant.

Vous les loups, vous les chacals, vous les ours des cavernes dans les montagnes,
Adieu. Votre bouvier, moi, Daphnis, plus dans la forêt,
Plus dans les fourrés, plus dans les bosquets. Adieu Aréthuse,
Et les fleuves qui faites la belle eau du Thymbris.

Commencez la bucolique, Muses, recommencez le chant.

Je suis Daphnis qui menait ici ses vaches,
Daphnis qui, ici, abreuvait les taureaux et les veaux.

Commencez la bucolique, Muses, recommencez le chant.

Ô Pan, Pan, que tu sois sur les hautes collines du Lykaion,
Ou que tu coures le puissant Ménale, viens ici, sur l'île,
En Sicile, et laisse la colline d'Héliké, avec le tombeau escarpé
Du Lycaonide, que même les dieux bienheureux révèrent.

Finissez la bucolique, Muses, adieu, finissez le chant.

Viens, Seigneur Pan, et prends ma flûte au souffle de miel,
La flûte qui s'ajoute à la lèvre.
Car moi, mon Désir m'entraîne chez Hadès.

Finissez la bucolique, Muses, adieu, finissez le chant.

Ronces, portez maintenant des violettes, et vous aussi, chardons,
Et que le narcisse fleurisse sur les genévriers,
Que tout soit renversé, et que le pin porte des poires
Puisque Daphnis se meurt, et que le cerf déchire les chiens,
Et que dans les montagnes le bubulement des hiboux défie les rossignols !

Finissez la bucolique, Muses, adieu, finissez le chant.

Et lui, ayant dit ces choses, cessa. Et Aphrodite voulut
Le redresser. Mais le fil venu des Moires
Était fini. Daphnis entra dans le courant. Le flot emporta
L'homme qui aimait les Muses, et que les Nymphes ne haïssaient pas.

Finissez la bucolique, Muses, adieu, finissez le chant.


Et toi, donne la chèvre et le pot, je vais traire
Et ferai une libation aux Muses. Adieu, oh, adieu, Muses !
Mille fois adieu. Une autre fois plus délicieux sera mon chant.

CHEVRIER
Que de miel se remplisse ta belle bouche, Thyrsis,
Se remplisse de rayons ! Puisses-tu aussi dévorer la figue d'Aigilos,
Si douce, puisque tu chantes mieux, toi, que la cigale.
Voici la coupe. Admire, ami, comme elle sent bon.
Tu croirais que les heures l'ont lavée à leurs sources.
Ici, Kissaitha arrive. Tu peux la traire. Eh, les chèvres,
Arrêtez de sauter partout, que le bouc ne vous monte pas dessus.

Extrait de "Les Magiciennes" de Théocrite

Traduction de Pierre Vespérini (2021)



Ce message a été édité - le 20-06-2022 à 10:55 par Jim

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