Auscultation
par Domagoj sirotinja
Sombrer sans l'amour des autres
Un verre de vin sans compagnie
J'ai tant violé la vie morose
J'ai tant volé et peu mûri.
Au balcon mûrissent les anges
Et toi aussi ton cerveau gras
Bénéfique comme le linge des amis
Jamais n'appuiera sur les parties néfastes,
Sache que les grains compacts procurent
L'éternité dont tu raffoles
Et le savant menu des rêves.
Seul dans la couche d'ozone,
Nappé de vaines tribulations,
Encore une fois je m'interpose
A la frontière du paroxysme.
Si ce destin m'était conté,
Et plut à dieu de l'embellir,
J'aurai voulu être un apôtre
Et de mes ailes improvisées
Débattre la fuite du temps.
En toi le charme du soleil séduit
Et de ton oeuvre fertile
Les racines explosent de gaieté,
Le message de sa splendeur file
Vers la voie lactée et retrouve
L'homme aux doigts aigus.
L'ULTIME JOURNAL
Lorsque vous lirez ceci je serai peut-être mort : alcoolisme, crise d'asthme,
manque d'amour sans intention de le donner, asthme foudroyant
par une nuit poussive, du plein de folie pure à 90%, à 40 ans seulement.
Ce que je vais raconter, sans édulcorants, c'est la lente décomposition
d'un homme frappé par l'inaptitude à vivre en société, condamné
dès sa naissance, dans un isolement qui n'a ni début ni fin.
Nous sommes le 3 juillet 2011, je vais sous mes 40 ans, sans bougies,
sans amis, sans copains, sans femme, avec des bouteilles. La semaine précédant
cette date historique, je baignais dans une douce euphorie, je flottais,
je me plaisais, enfin bon. C'est tout de même drôle ces âges repères,
on regarde dans le rétroviseur, les joies, les peines, et pour moi le football.
Socratès est mort : alcool. C'était pourtant, en plus d'une célébrité,
un docteur aguéri, un homme perpétuellement en lutte qui a oeuvré
pour les jeunes féfavorisés du Brésil, un mari qui laisse femme et enfants,
potes et amis, onze mètres : pénalty et mort subite.
Son frère Raï est effondré, le cercueil est couvert d'un linceul blanc, emporté
sur une limousine noire jaguar, accompagnée par une foule fumante.
L'arbitre du ciel a sifflé la fin du match.
J'ai moi aussi un docteur personnel, Docteur G., et lorsqu'on se croise,
il nous arrive la poésie médicale, la seule, la véritable source, les maux
de la vie. Je suis donc né le 3 juillet 1971 à 13h30, d'un père Bruno
et d'une mère Milka, initiales BM, rien à voir avec W de la voiture
allemande. Rétrospectivement quand je revois mon enfance,
cela a été une période heureuse, grâce à mon insouciance
et ma tranquillité. Ce n'est que quand ces deux éléments ont disparu
de ma personnalité que j'ai cessé d'être moi-même, vers l'âge de trente ans.
J'en ai maintenant quarante et je me dirige vers le dernier port,
sans le vouloir, sans le jauger.
Dyor est mort. Dosiz vit tant bien que mal,
Domagoj Sirotinja est un remplaçant de luxe,
les trois facettes se soignent mutuellement.
Petit je voulais être Socratès, Zico ou Falcao. La technique, l'aisance, la fluidité.
Je est forcément un autre. Dyor jeune était fort avec le ballon, expressif
et convivial, une force de la nature, un mélange de Cristiano Ronaldo
et de Carl Lewis. On m'a surnommé Vahid Halilodzic, meilleur buteur du FC Nantes.
J'enfilais les buts avec grâce et romantisme, amoureux de la belle semelle,
contemporaine et vicieuse.
Ce matin j'ai mangé des craquettes aux mûres, et je peux vous dire que c'est délicieux.
Mon ventre gargouille de plaisir, le sucre dans la peau, l'envie d'avancer dans cette jungle,
au bord de la rupture, va peut-être se concrétiser. Rien n'est moins sûr.
Vous aurez, chers lecteurs, à lire des bribes de mon oeuvre, à chanter,
à réciter par coeur et sur le bout des doigts mon legs poétique au monde.
Bref, cela risque de se compliquer et il est encore temps, chères lectrices,
de rebrousser chemin, d'ignorer pour de bon cette alarme.
Fuyez, gens et gènes, fuyez et ne revenez pas sur vos pas.
Je ne me souviens plus très bien du jour ou je suis devenu Suisse,
peut-être l'ai je toujours été. Mon portrait vous regarde
sur une bouteille " Cuvée du poète renaissance" avec deux drapeaux helvétiques.
Dosiz est né le 3 septembre 1971 à Thun dans le canton de Berne.
Cependant la conscience de ma suissitude (aptitude à être Suisse)
m'a rattrappée des années plus tard, lors de multiples cours à Genève.
Le pouls de cette ville , la langueur de ces habitants, ne pas se précipiter,
surtout pas. Prendre le temps de vivre, et de mourir.
Sauf erreur de ma part je suis saint de corps et d'esprit. Esquinté
entre la mer et la côte, je découvre l'instant zen, fait de béatitude,
de vide, de contemplation contemporaine, encore elle la coquine !
Des images de gens effrayés voltigent au-dessus de ma tête,
des images affolantes, désarticulées, plus moi et l'instant zen,
à l'écart. On m'emmène à l'hôpital, du moins mon corps part
tandis que mon esprit se gare. C'est le défilé, la nouvelle tombe,
je viens de passer la frontière : rien à déclarer.
@ Edi Sorić
Poème posté le 04/02/10