Les aigles d’autrefois,
Lancés dans la lumière,
Gardaient l’âme des toits
De silence et de pierre.
Plus rapides que l’air
En ces montagnes nues,
Plus cinglants que l’hiver,
Ils transperçaient les nues.
Mais il vint un matin,
Puis des jours innombrables
Aussi durs que l’airain,
Ténèbres insondables.
Les aigles seuls, alors,
Montaient, libres, limpides ;
Au bord des seuils, alors,
Les nuits étaient livides.
Dans le fond des prisons
Se taisaient les prières,
Dans le fond des maisons
Pleuraient même les pierres.
Et la vie s’écoulait,
Etrange et comme absente ;
Et la vie s’écroulait,
Fauchée, brisée, démente.
Mais les aigles, souvent,
Planaient entre les cimes,
Arrachant puissamment
Leur appel aux abîmes.
Hélas, le temps passait,
Vide, vain et servile ;
Jour après jour durait
Cet enfer immobile.
Or, il n’est point de mur,
Fût-il insurmontable,
Qui résiste à l’azur,
A l’aube insaisissable …
Les aigles, quelquefois,
Font frissonner la pierre
Jusqu’au fond des sous-bois
Où pleure la lumière.
Les aigles, quelquefois,
Font trembler le silence
Sur les seuils et les toits
Où l’infini commence …
J'ai choisi le thème Métaphore pour poster ce poème inspiré par la récente et tragique histoire de l'Albanie, car :
- En albanais le nom-même du pays (Shkiperia) signifie "Pays des Aigles" ;
- Au cours de la dictature qui sévit là-bas entre 1945 et 1991, et notamment entre 1967 et 1990, période durant laquelle tout culte fut interdit, quelle qu'en fût la confession, les aigles au vol puissant étaient un symbole de la liberté inaccessible.