Jim
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Posté à 17h53 le 02 Sep 20
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Le Chœur
Par sa sagesse et sa vaillance, il a œuvré ;
De l'emprise du Sphinx, la ville est délivrée,
Elle acclame son maître, Œdipe devient roi,
Ainsi que cité franche en dispose le droit,
Tel est son bon vouloir ; il épouse la reine.
Un sang neuf, un sang chaud, s'écoule dans les veines.
Elle donne au pouvoir de bien beaux héritiers :
Polynice et Ismène, Antigone, Etéocle.
Avec ce nouveau roi, appui d'un nouveau socle,
La ville prolifère en de nombreux chantiers.
Œdipe est de ces grands ignorant le mensonge ;
Œdipe voit la foule acclamante, et il songe :
Œdipe, regardant les thébains
Nous menons tous un jeu dont nous sommes les dés.
Ils ne sont pas des possédants, mais possédés ;
Ils adoptent pourtant mes valeurs, les font leurs...
De cette duperie, peut-il naître un bonheur ?
Je suis leur roi, mais ne serais-je qu'un voleur,
Notre commune essence étant un vaste leurre ?
Le Chœur
C'est alors que s'abat sur la cité la peste.
A Thèbes, à Œdipe, est révélé l'inceste !
Aux dieux l'humaine race demeure servile.
La faute de Laïos est payée par la ville,
Sa lignée, sa famille, à jamais sont maudites,
Se pourrait-il qu'aussi la cité soit détruite ?
Si Héra n'avait pas posé du Spinx la ruse,
Se serait-il pu que d'Œdipe Zeus abuse ?
Œdipe
A quoi servent ces yeux qui ne nous montrent rien
Quand pour tous nous cherchons cet universel bien,
De tout cela qui nous devrait tant éblouir,
De cette unique honte à laquelle rougir
Dont nous avons été par l'oracle averti ?
Mais l'horreur par les dieux avance travestie...
La puissance de Zeus n'est qu'une tricherie,
Peu lui chaut qu'elle mène à de vastes tueries !
S'y opposer suffit pour mener à trépas
Ces dieux alimentés par nos tristes misères.
Toi-même, Tirésias, aveugle n'es-tu pas
Que dirige une main, une main étrangère ?
Le Chœur
Telle est d' Œdipe roi la méditation,
Au terme de laquelle il prend décision :
Œdipe
Pourquoi garder ces yeux inutiles, menteurs ?
Ils asservissent la raison aux méconteurs !
Je sais comment vous imposer dérision...
Plus jamais ne serai sujet d'illusions !
Adieu mes yeux, adieu soleil, adieu la nuit,
Pour ne fléchir devant les dieux, Œdipe fuit
Dans ce royaume obscur où règne votre absence,
En lequel vous n'aurez courage me chercher,
Car sans esclave, votre vie n'a aucun sens,
Préférant sur des serfs demeurer hauts perchés !
De la réalité, ne vois que falbala.
Désormais, à la main de ma fille mes pas
Confierai..
Le Chœur
Il abdique et délègue son trône,
En laissant à Créon le soin de gouverner
Ce navire jeté aux flots de la tempête,
Cette horreur qu'égaré toujours l'homme répète,
L'unique et seule chose qu'il sache bien faire,
De la peste, de celle des humains, la guerre !
(...)
Le Chœur
La ville se soumet au plus fort du moment,
En belle indifférente à ses propres tourments !
Peu lui importe que contrat soit respecté,
Dès lors que son train-train n'en est pas affecté !
Que par le droit soit confortée la force usée,
Que sur vertu l'ait emporté le plus rusé !
Que juste soit la révolte de Polynice,
Auquel le frère fourbe a commis préjudice !
Par son indifférence, elle oppose les frères,
Elle attise le feu, elle allume la guerre,
Et Créon, le cynique, approuve tout cela,
De sorte qu'Etéocle son frère exila :
Raison donnée à la cité telle qu'elle est !
Aucun espoir ne vient d'un messager ailé.
L'abjection en Béotie règne par Thèbes,
Il n'est aucun pouvoir que ne veuille la plèbe.
Jocaste
Ce bel amour aura été triste brouet ;
De quel forfait immonde ai-je été le jouet ?
Comment pourrais-je haïr le meilleur de moi-même,
Quelle saine folie, détruire ceux que j'aime ?
Et s'il faut que l'horreur par mon geste s'achève,
L'horrible cauchemar que je pris pour un rêve,
Comment puis-je choisir la première victime ?
Quand il faut que les miens un à un je décime !
Ne vaudrait il pas mieux détruire l'origine,
Qui porte en elle, en ses entrailles tout l'abîme,
Celle qui suscita du crime le désir
Et fit des monstres naître au sein d'un grand plaisir ?
Le chœur
Jocaste en elle a fait de tous crimes la somme...
Et Jocaste aime comme femme aime son homme,
Jocaste aime d'amour le premier de ses fils !
Tous les nœuds sont défaits pour nouer le dernier,
Trompée par Zeus, elle n'a rien à renier,
Et par sa mort elle soutient tous les défis.
(...)
Le Chœur
Entendez cet enfant qui par l'eau fut bercé,
Et qui dut supporter de son père le lot ;
Entendez, dans sa nuit, du roi aux yeux percés,
La lamentation qu'étouffent ses sanglots !
Œdipe
J'ai perdu une mère et perdu une amante,
Que tendre vers l'enfer s'avère la descente ;
Sur pente du destin, son boulet roule et pousse :
J'ai perdu mes enfants, ma fille, belle et douce
Antigone, et si ferme et si fière que rien
Aucun mur ne fléchît sa décision prise ;
De justice à chaos, elle reste le lien !
Du fléau qui balance, elle évite méprise.
Polynice, Etéocle, mes garçons courageux,
Bien qu'Etéocle se montra le plus rageux,
Que rien ne divisa, mais que tout opposait ;
Entre eux deux, je n'ai su mon amour bien doser.
Où sont donc ces prospérités que je devais
A chacun, mes amis, mes enfants, à vous tous,
En cette cité belle, apporter ?
(...)
Œdipe
La vie d'un homme est-elle autre chose qu'impasse ?
Qu'heurtée en cul-de-basse fosse ne se lasse !
Que cet arbre dont l'ombre la source surveille ?
Que cette eau qu'en désert assèche le soleil ?
Que cette peau flétrie que les rayons adorent ?
Que ce fleuve sur sable au ciel qu'il évapore ?
Que ce cœur morcelé que Chronos lui ravit ?
Quel homme entreprendrait le chemin de sa vie,
Ignorant s'écouler son fleuve sous quelle arche,
Lequel commencerait pour les siens cette marche,
S'il ne voyait au loin quelque dégagement,
S'il décomptait ses jours sans nul prolongement ?
D'aussi haut que son siège assoit sa vision,
Il est bon qu'il ne voit par delà l'horizon.
(...)
Ce message a été édité - le 07-09-2020 à 19:38 par Jim
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