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Auteurs Messages

Jim
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Messages : 3903


Posté à 21h45 le 06 Sep 20




Quelques extraits


Acte III – scène V


Le Comte

Avec du caractère et de l'esprit, tu pourrais un jour t'avancer dans les bureaux.

Figaro

De l'esprit pour s'avancer ? Monseigneur se rit du mien. Médiocre et rampant, et l'on arrive à tout.

Le Comte

Il en faudrait qu'étudier un peu sous moi la politique.

Figaro

Je la sais.

Le Comte

Comme l'anglais : le fond de la langue

Figaro

Oui, s'il y avait ici de quoi se vanter ; mais feindre d'ignorer ce qu'on sait, de savoir ce qu'on ignore, d'entendre ce qu'on ne comprend pas, de ne point ouïr ce qu'on entend, surtout de pouvoir au-delà de ses forces ; avec souvent pour grand secret de cacher qu'il n'y en a point, s'enfermer pour tailler des plumes et paraître profond quand on n'est, comme on dit, que vide et creux, et jouer bien ou mal un personnage, répandre des espions et pensionner des traîtres, amollir des cachets, intercepter des lettres, et tâcher d'ennoblir la pauvreté des moyens par l'importance des objets : voilà toute la politique, ou je meure !

Le Comte

Eh ! C'est l'intrigue que tu définis !

Figaro

La politique, l'intrigue, volontiers ; mais comme je les crois un peu germaines, en fasse qui voudra. J'aime mieux ma mie au gué, comme dit la chanson du bon Roi.

(…)

ACTE III, scène XVI


Bartholo

Des fautes si connues ! Une jeunesse déplorable !

Marceline, s'échauffant pas degrés

Oui, déplorable, et plus qu'on ne croit ! Je n'entends pas nier mes fautes, ce jour les a trop bien prouvées ! Mais, qu'il est dur de les expier après trente ans d'une vie modeste!J'étais née, moi, pour être sage, et je la suis devenue sitôt qu'on m'a permis d'user de ma raison. Mais dans l'âge des illusions, de l'inexpérience et des besoins, où les séducteurs nous assiègent, pendant que la misère nous poignarde, que peut opposer une enfant à tant d'ennemis rassemblés ? Tel nous juge ici sévèrement, qui, peut-être, en sa vie a perdu dix infortunées !

Figaro

Les plus coupables sont les plus généreux, c'est la règle.

Marceline, vivement

Hommes plus qu'ingrats, qui flétrissez par le mépris les jouets de vos passions, vos victimes ! C'est vous qu'il faut punir des erreurs de notre jeunesse ; vous et vos magistrats, si vains du droit de nous juger, et qui nous laissent enlever, par leur coupable négligence, tout honnête moyen de subsister. Est-il un sel état pour les malheureuses filles ? Elles avaient un droit naturel à tout la parure des femmes ; on y laisse former mille ouvriers de l'autre sexe.

Figaro, en colère

Ils font broder jusqu'aux soldats !

Marceline, exaltée

Dans les rangs même plus élevés, les femmes n'obtiennent de vous qu'une considération dérisoire : leurrées de respects apparents, dans une servitude réelle, traitées en mineures pour nos biens, punies en majeures pour nos fautes ! Ah, sous tous les aspects, votre conduite avec nous fait horreur ou pitié.

(…)

ACTE V, scène III

Ecouter : Lien internet

Figaro, seul, se promenant dans l'obscurité, dit du ton le plus sombre

O femme ! Femme ! Femme ! Créature faible et décevante !...nul animal créé ne peut manquer à son destin ; le tien est-il donc de tromper ?... Après m'avoir obstinément refusé quand je l'en pressais devant sa maîtresse ; à l'instant qu'elle me donne sa parole ; au milieu même de la cérémonie... Il riait en lisant, le perfide ! Et moi, comme un benêt... ! Non, Monsieur le Comte, vous ne l'aurez pas... Parce que vous êtes un grand Seigneur, vous vous croyez un grand génie !... Noblesse, fortune, un rang, des places : tout cela rend si fier ! Qu'avez-vous fait pour tant de biens ! Vous vous êtes donnés la peine de naître, et rien de plus ; du reste, homme assez ordinaire ! Tandis que moi, morbleu ! Perdu dans la foule obscure, il m'a fallu déployer plus de science et de calculs pour subsister seulement, qu'on n'en a mis depuis cent ans à gouverner toutes les Espagnes : et vous voulez jouter... On vient... c'est elle... ce n'est personne. - La nuit est noire en diable, et me voilà faisant le sot métier de mari, quoique je ne le sois qu'à moitié. (il s'assied sur un banc) Est-il rien de plus bizarre que ma destinée ! Fils de je ne sais pas qui, volé par des bandits, élevé dans leurs mœurs, je m'en dégoûte et veux courir une carrière honnête ; et partout je suis repoussé ! J'apprends la chimie, la pharmacie, la chirurgie, et tout le crédit d'un grand Seigneur peut à peine me mettre à la main une lancette vétérinaire ! - Las d'attrister des bêtes malades et pour faire un métier contraire, je me jette à corps perdu dans le théâtre : me fussé-je mis une pierre au cou ! Je brosse une comédie dans les mœurs du sérail ; auteur espagnol, je crois pouvoir y fronder Mahomet sans scrupule : à l'instant, un envoyé... de je ne sais où, se plaint que j'offense dans mes vers la Sublime-Porte, la Perse, une partie de la presqu'île de l'Inde, toute l’Égypte, les royaumes de Barca, de Tripoli, de Tunis, d'Alger te de Maroc : et voilà ma comédie flambée, pour plaire aux princes mahométans, dont pas un, je crois, ne sait lire, et qui nous meurtrissent l'omoplate, en nous disant : chiens de chrétiens ! - Ne pouvant avilir l'esprit, on se venge en le maltraitant. - Mes joues creusaient, mon terme était échu ; je voyais de loin arriver l'affreux recors, la plume fichée dans sa perruque : en frémissant, je m'évertue. Il s'élève une question sur la nature des richesses, et, comme il n'est pas nécessaire de tenir les choses pour en raisonner, n'ayant pas un sol, j'écris sur la valeur de l'argent et sur son produit net ; sitôt je vois, du fond d'un fiacre, baisser pour le pont d'un château fort, à l'entrée duquel je laissai l'espérance et la liberté. (Il se lève.) Que je voudrais bien tenir un de ces puissants de quatre jours, si légers sur le mal qu'ils ordonnent, quand une bonne disgrâce a cuvé son orgueil ! Je lui dirais... que les sottises imprimées n'ont d'importance qu'aux lieux où l'on en gêne le cours ; que, sans la liberté de blâmer, il n'est point d'éloge flatteur, et qu'il n'y a que les petits hommes qui redoutent les petits écrits. (Il se rassied.) Las de nourrir un obscur pensionnaire, on me met un jour dans la rue ; et comme il faut dîner quoiqu'on ne soit plus en prison, je taille encore ma plume, et demande à chacun de quoi il est question : on me dit que pendant ma retraite économique il s'est établi dans Madrid un système de liberté sur la vente des productions, qui s'étend même à celles de la presse ; et que, pourvu que je ne parle en mes écrits ni de l'autorité, ni du culte, ni de la politique, ni de la morale, ni des gens en place, ni des corps en crédit, ni de l'Opéra, ni des autres spectacles, ni de personne qui tienne à quelque chose, je puis tout imprimer librement, sous l'inspection de deux ou trois censeurs. Pour profiter de cette douce liberté, j'annonce un écrit périodique, et, croyant n'aller sur les brisées d'aucun autre, je le nomme Journal inutile. Pou-ou ! Je vois s'élever contre moi mille pauvres diables à la feuille;on me supprime, et me voilà derechef sans emploi ! - Le désespoir m'allait saisir ; on pense à moi pour une place, mais par malheur j'y étais propre : il fallait un calculateur, ce fut un danseur qui l'obtint. Il ne me restait plus qu'à voler ; je me fais banquier de pharaon : alors, bonnes gens ! Je soupe en ville, et les personnes dites comme il faut m'ouvrent poliment leurs maisons en retenant pour elles les trois quarts du profit. J'aurais bien pu me remonter ; je commençais même à comprendre que, pour gagner du bien, le savoir-faire vaut mieux que le savoir. Mais comme chacun pillait autour de moi en exigeant que je fusse honnête, il fallut bien périr encore. Pour le coup je quittais le monde, et vingt brasses d'eau m'en allaient séparer, lorsqu'un dieu bienfaisant m'appelle à mon premier état. Je reprends ma trousse et mon cuir anglais ; puis, laissant la fumée aux sots qui s'en nourrissent, et la honte au milieu du chemin, comme trop lourde à un piéton, je vais rasant de ville en ville, et je vis enfin sans souci. Un grand Seigneur passe à Séville;il me reconnaît, je le marie, et pour prix d'avoir eu par mes soins son épouse, il veut intercepter la mienne ! Intrigue, orage à ce sujet. Prêt à tomber dans un abîme, au moment d'épouser ma mère, mes parents m'arrivent à la file. (Il s'élève en s'échauffant.) On se débat ; c'est vous, c'est lui, c'est moi, c'est toi ; non, ce n'est pas nous : eh mais, qui donc ? (Il retombe assis.) O bizarre suite d'événements ! Comment cela m'est-il arrivé ? Pourquoi ces choses et non pas d'autres ? Qui les a fixées sur ma tête ? Forcé de parcourir la route où je suis entré sans le savoir, comme j'en sortirai sans le vouloir, je l'ai jonchée d'autant de fleurs que ma gaieté me l'a permis : encore je dis ma gaieté, sans savoir si elle est à moi plus que le reste, ni même quel est ce moi dont je m'occupe : un assemblage informe de parties inconnues, puis un chétif être imbécile, un petit animal folâtre, un jeune homme ardent au plaisir, ayant tous les goûts pour jouir, faisant tous les métiers pour vivre ; maître ici, valet là, selon qu'il plaît à la fortune ! Ambitieux par vanité, laborieux par nécessité, mais paresseux... avec délices ! Orateur selon le danger, poète par délassement, musicien par occasion, amoureux par folles bouffées, j'ai tout vu, tout fait, tout usé. Puis l'illusion s'est détruite, et trop désabusé... Désabusé !... Suzon, Suzon, Suzon ! Que tu me donnes de tourments ! - J'entends marcher... on vient. Voici l'instant de la crise. (Il se retire près de la première coulisse à sa droite.)



Ce message a été édité - le 11-10-2021 à 14:25 par Jim


Mahea
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Messages : 905


Posté à 12h29 le 07 Sep 20

Et moi qui vient d'apprendre que la crise a deux visages (les sinogrammes...)

l'un = Danger
l'autre = Opportunité
Mdr



Ce message a été édité - le 07-09-2020 à 12:33 par Mahea


Jim
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Messages : 3903


Posté à 20h23 le 07 Sep 20

La dualité du type souligné ne m'est pas étrangère, le dicton "qui ne risque n'a rien" l'équivaut c.à.d.: pour risquer de gagner, faut accepter celui de perdre, ce qui conduit à la gestion du risque bien connue de ceux qui en font métier assureurs, militaires, tous friands d'une discipline nommée "sûreté de fonctionnement" (safety) ou "sécurité" (security). Il semble que nombre d'irresponsables de haut vol ne possèdent cela dans leur "toolbox" ! l'esquivant par le principe dit des précautionneux... Le précautionneux reste dans le jardin, l'aventureux sort et gère le risque. Pourtant, dès la Genèse, super grand papa dit à son rejeton: "tu restes dans le jardin et tout va pour le mieux, tu sors faire le zouave, à tes risques et périls !" C'est ainsi que Amerigo Vespucci explora la galaxie à bord de son vaisseau l'"Enterprise"! Ô heureux commerçants qui osèrent rencontrer le petit fils de Gengis Khan !

Dans ce monologue, le cheminement de Figaro n'est pas sans rappeler celui d'Œdipe, comme lui, il est jeté par la Fortune sur une route non choisie où tout le surprend, et il est à deux pas d'épouser sa mère, ce qu'Œdipe ne pourra éviter. Zeus, Yahvé, libéralisme mûrissant, qu'ils soient jacobins ou girondins, finalement mènent au même abysse !

Par contre, le lien avec les caractères chinois, siouplait, j'ai pas saisi là ?



Ce message a été édité - le 07-09-2020 à 20:48 par Jim


Mahea
Membre
Messages : 905


Posté à 21h11 le 07 Sep 20

Je viens de perdre 10 minutes de blabla en déconnexion ... Tout aussi farfelu que les héritiers d'Uderzo dans "Astérix et la Transatlantique" chez les zoulous... Une association un peu perchée que j'avais juxtaposé. Je ne réitère pas en long et large, zut...une combinaison de choix dans l'écriture...

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