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Auteurs Messages

Ann
Modérateur
Messages : 3488


Posté à 18h53 le 23 Feb 20

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A midi, on bouffe Marcel.
Je vous explique.
Je venais de poser mon fusil sur le coin de ma paillasse. Les pattes croisées sur son infortune, le bec replié sur son croupion, ce pauvre Marcel tout chaud, tout bouillant, les pattes croisées, tentait encore de résister à mon appétit. Je plaide coupable.
Je plongeai mon long couteau entre ses cuisses fermes de coq sportif posé sur un lit d’herbes de Provence détrempé de sa graisse couleur de châtaignes.
Deux jours auparavant, Marcel venait d’apprendre à ses dépens que la chair est faible quand l’objet de ses convoitises attise les sens. Les miens s’étaient envolés dans toutes les directions. Je ne résistai pas ! Ce pauvre Marcel, c’est de sa faute aussi ! Il ne lui eut pas fallu qu’il montât sur ses ergots, qu’à mon passage, il gonflât d’orgueil son jabot. Je ne plaide pas en ma faveur mais je veux que vous compreniez chers convives : son toison blanc était à ma vue une provocation à mes instincts. Marcel grattait après les vers, il s’osa même à chanter. C’était un artiste. Marcel battait de l’aile dans les airs. Marcel était un sportif. Il courrait dans la basse-cour. Il courrait après les poules. Marcel était un coquin.
N’allez pas croire que je sois jalouse, voyez ! Je partage mon repas dominical avec mes amis. J’assume cet homicide d’amour, je revendique cet acte de chair.
Enfin, j’écartèle sans remords la poitrine encore tendre de ce cher Marcel que la veille j’ai plumé, plume à plume jusqu’à la dernière que je dépense à vous décrire mon délicieux forfait.
***
Le poulailler était à l’ancienne. J’veux dire par là qu’on offrait à la volaille un gaillard de coq qui faisait la pluie et le beau temps sur son carré de fumier. On prélevait juste les œufs qu’il fallait, un œuf coque pour le petit et six autres pour la crème anglaise. Le fermier n’aimait pas les œufs mais il aimait les anglaises et les gâteries de fin de repas. Sa femme n’avait pas sa pareille pour fouetter les jaunes et battre les blancs et lui travaillait au noir pour un coup de rouge. Tout le monde y trouvait son compte et même le renard qui rôdait autour de l’enclos.
C’est dans une bassine de fer blanc garnie de paille de ce poulailler qu’il avait sorti le bec de sa coquille. Marcel était alors un poussin innocent suivant sa mère quand son père roula jusqu’à la mare comme un ballot de vieux chiffons. La place de chef était libre. Ses frères et sœurs de couvée disparaissaient l’un après l’autre. Marcel avait d’autres ambitions à l’époque que de finir dans mes bras. Mais le fermier me fit : « Je ne peux rien refuser aux dames. Vous avez de la chance, il me reste encore celui-là. Il est temps qu’il passe à la casserole ! Il commence à faire la loi dans ma basse-cour mais la moitié de mes poules sont ses sœurs et les autres vont finir au pot ». C’est ainsi que je croisai pour la première fois, l’œil rond de Marcel. « Il me le faut coute que coute ! » fis-je salivant à l’idée d’une peau dorée craquant sous ma langue. Marcel comprit que son heure était venu, il eut peur quand le fermier lui lia les pattes en l’air qu’il battit sans conviction de ses ailes. Ce fut la seconde fois que son œil rond plongeait dans mon regard humide. Aux derniers soubresauts de Marcel, son sang perlait déjà goutte à goutte dans un bol que j’emportai avec sa dépouille.
Et voilà, je ne fis rien pour sauver Marcel, j’avais trop envie de mordre dans ses filets, de saucer ses sucs, de sucer ses os honorant le courage de l’animal sacrifié. Quand j’ouvris la poubelle pour jeter le cou de Marcel, ce fut la troisième fois. L’œil crevé du brave Marcel me regardait.
– Vous reprendrez bien une part de brioche arrosée de crème anglaise ! proposai-je à la cantonade quand j’eus fini mon récit.
A ma table que du beau linge : un petit juge dégarni que j’avais invité par erreur, un amant de passage qui ne repasserait pas, un ami fidèle qui ne mangeait pas pendant trois jours avant de passer à table, enfin à la mienne, léchant son assiette jusqu’à user sa décoration fleurie et repartant sans jamais oublier d’emporter les restes. Quelques autres convives qui piquèrent du nez dans leur verre. Le petit juge s’osa même à préférer ma carafe d’eau au Mercurey, dix ans d’âge. J’en conclus qu’aucun n’aimait la crème anglaise sans avoir le courage de me l’avouer.
– Sinon, il me reste une aile et le bréchet de Marcel dans le four !
Décidemment, je fis choux blancs. Mes convives prirent congé aussi vite que s’ils fuyaient les flammes de l’enfer, que même ce vieux carnivore de notaire en oublia son chapeau à plumes.




Ce message a été édité - le 23-02-2020 à 19:03 par Ann


Oxalys
Membre
Messages : 3202


Posté à 21h26 le 23 Feb 20

Tu nous fais saliver avec autant moins de mauvaise conscience, qu'on sait que Marcel a mené une vie joyeuse de "coq-en-pâte", n'a pas connu les affres de la castration comme un vulgaire chapon, en a profité pour distribuer ses gènes à toute une flopée de jolies poulettes connaissant les joies de la reproduction "in vivo".
Bref, ce fut un coq heureux, au contraire de ces pauvres poulets d'élevage intensif, a qui fut accordé, en dernière grâce, l'honneur d'être cuisiné par un véritable cordon-bleu !

Coucou Coucou Coucou


Ann
Modérateur
Messages : 3488


Posté à 22h52 le 23 Feb 20

Marcel a connu l'herbe et je l'ai accommodé avec amour. Je vois que tu aimes la bonne chair alors que d'autres préfèrent la viande découpée sous cellophane occultant qu'il s'agit tout de même d'un animal sans âme. J'ai tout de même déclenché la culpabilité des convives en leur racontant les prémices du repas.


CinquiemeVallee
Membre
Messages : 791


Posté à 18h18 le 24 Feb 20

Coucou Coucou Coucou Coucou Coucou etc...


Dans une autre vie
Poètes point nets
Cuits seront servis
Dans une estafette
Aux poulets ravis

Si tu m'as suivi
Anne mignonette
Clique donc ici
Quant à l'estafette :

Lien internet

Salut



Ce message a été édité - le 25-02-2020 à 09:31 par Ann


Ann
Modérateur
Messages : 3488


Posté à 09h35 le 25 Feb 20

Merci CinquiemeVallee, je vais pouvoir accommoder les restes de Marcel car il était gros le cochon ! Salut


Pierre
Membre
Messages : 6469


Posté à 09h47 le 26 Feb 20

En parlant de cochon, nous avons tuer le nôtre y'a deux semaines...


Ann
Modérateur
Messages : 3488


Posté à 08h54 le 27 Feb 20

Tu as fait le boudin ou l'andouille ?


Pierre
Membre
Messages : 6469


Posté à 09h20 le 28 Feb 20

le boudin en faisant l'andouille, je me suis fait engueuler, j'ai fait la tête… en pâté.


Vie
Membre
Messages : 738


Posté à 09h59 le 28 Feb 20

Pardon! Je ne peux pas résister,
tout est bon dans le cochon!
Mdr


Ann
Modérateur
Messages : 3488


Posté à 12h02 le 01 Mar 20

Si je comprends bien, faut que je vous raconte l'histoire de Félix, le cochon fugueur !


Vie
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Messages : 738


Posté à 16h51 le 01 Mar 20

Ouiiiiiiiiii!!!!
Mdr Salut


Francis
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Messages : 20


Posté à 19h34 le 06 Mar 20

C'est à saliver,
mon royaume pour un coq au vin
:-)


Ann
Modérateur
Messages : 3488


Posté à 16h33 le 07 Mar 20

Ce qui de toi, un coq en pâte ! clindoeil

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